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Le Pape Benoit XVI est entré à la maison du Père

BIOGRAPHIE DU PAPE BENOÎT XVI

Joseph Ratzinger – Cardinal depuis 1977, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi depuis 1981, Doyen du Collège cardinalice depuis 2002 – est né à Marktl am Inn, dans le territoire du diocèse de Passau (Allemagne), le 16 avril 1927.

Il a été rappelé à Dieu le 31 décembre 2022.

Son père était commissaire de gendarmerie et provenait d’une famille d’agriculteurs de la Basse Bavière, dont les conditions économiques étaient plutôt modestes. Sa mère était la fille d’un artisan de Rimsting sur le Lac de Chiem, et avant de se marier, et avait été cuisinière dans divers hôtels.

Il passa son enfance et son adolescence à Traunstein, une petite ville proche de la frontière autrichienne, à une trentaine de kilomètres de Salzbourg. C’est dans ce cadre – qu’il a lui-même qualifié de « mozartien » – qu’il reçut sa formation chrétienne, humaine et culturelle.

Le temps de sa jeunesse ne fut pas facile. La foi et l’éducation de sa famille le préparèrent à la difficile expérience des problèmes liés au régime nazi: il a rappelé qu’il avait vu son curé roué de coups par les nazis avant la célébration de la Messe, et qu’il avait fait l’expérience du climat de forte hostilité vis-à-vis de l’Eglise catholique en Allemagne.

Mais c’est précisément dans cette situation complexe qu’il découvrit la beauté et la vérité de la foi dans le Christ, et le rôle de sa famille a été fondamental, car elle a toujours continué de vivre un témoignage transparent de bonté et d’espérance enraciné dans l’appartenance consciente à l’Eglise.
Alors que la tragédie de la Seconde Guerre mondiale touchait à sa fin, il fut enrôlé dans les services auxiliaires anti-aériens.

De 1946 à 1951, il étudia la philosophie et la théologie à l’Ecole supérieure de philosophie et de théologie de Freising et à l’Université de Munich.

Le 29 juin de l’année 1951 il fut ordonné prêtre.

A peine un an plus tard, dom Joseph commença son activité didactique dans cette même Ecole de Freising où il avait été étudiant.

En 1953, il devint titulaire d’une Maîtrise en théologie avec un mémoire sur le thème « Peuple et Maison de Dieu dans la doctrine de l’Eglise de saint Augustin ».

En 1957, il obtint l’habilitation au professorat sous la direction du célèbre professeur de théologie fondamentale de Munich, Gottlieb Söhngen, avec un mémoire sur: « La théologie de l’histoire de saint Bonaventure ».

Après avoir été enseignant de dogmatique et de théologie fondamentale à l’Ecole supérieure de Freising, il poursuivit sa carrière d’enseignant à Bonn (1959-1969), à Münster (1963-1966) et à Tübingen (1966-1969). A partir de 1969, il fut professeur de dogmatique et d’histoire des dogmes à l’Université de Ratisbonne où il assuma également la charge de Vice-Président de l’Université.

Son intense activité scientifique le conduisit à assumer des fonctions importantes au sein de la Conférence épiscopale allemande et de la Commission théologique internationale.

Parmi ses nombreuses et prestigieuses publications, certaines ont reçu un grand écho, comme « Introduction au christianisme » (1968), un recueil de leçons universitaires sur la « profession de foi apostolique ».

Plus tard, en 1973, a été publié le volume: « Dogme et Révélation » qui réunit les essais, les méditations et les homélies consacrées à la pastorale.

Son discours prononcé devant l’Académie catholique bavaroise sur le thème: « Pourquoi je suis encore dans l’Eglise? » a également eu un très large retentissement. Il y déclara avec sa clarté habituelle: « Il n’y a que dans l’Eglise qu’il est possible d’être chrétien, et pas à côté de l’Eglise ».

La série de ses éminentes publications s’est poursuivie, toujours abondante et régulière au cours des ans, constituant un point de référence pour un très grand nombre de personnes et assurément pour tous ceux qui se consacrent à l’étude approfondie de la théologie. Que l’on pense, par exemple, au volume « Entretien sur la foi » de 1985 et au « Sel de la terre » en 1996. Rappelons également le livre « A l’école de la Vérité », imprimé à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire.

Il faut ensuite souligner la grande valeur, centrale dans la vie du Pasteur Ratzinger, de la profonde et fructueuse expérience de sa participation au Concile Vatican II en qualité d' »expert », qu’il a également vécue comme une confirmation de sa vocation qu’il a lui-même définie de « théologique ».
La 25 mars 1977, le Pape Paul VI le nomma Archevêque de Munich et Freising.

Il reçut l’ordination épiscopale le 28 mai de la même année: premier prêtre diocésain à assumer, depuis quatre-vingts ans, la charge pastorale du grand diocèse de Bavière. Il choisit comme devise épiscopale: « Collaborateur de la Vérité ».

C’est également le Pape Montini qui l’a créé et publié Cardinal, avec le titre de « Santa Maria Consolatrice al Tiburtino », lors du Consistoire du 27 juin 1977.

Il fut Rapporteur à la cinquième Assemblée générale du Synode des Evêques (1980) sur le thème de la famille chrétienne dans le monde contemporain. A cette occasion, dans son premier Rapport, il avait proposé une analyse précise et approfondie sur la situation de la famille dans le monde, en soulignant à ce propos la crise de la culture traditionnelle face à la mentalité techniciste et purement rationnelle. A côté des aspects négatifs, il n’avait pas manqué de mettre en évidence la redécouverte du véritable personnalisme chrétien comme un levain qui féconde l’expérience conjugale de très nombreux couples d’époux, et il avait également invité à présenter une juste évaluation du rôle de la femme, qu’il faut compter parmi les questions fondamentales dans la réflexion sur le mariage et sur la famille. Dans la deuxième partie de son Rapport, consacrée au dessein de Dieu pour les familles d’aujourd’hui, il avait rappelé avant tout que la condition d’homme et de femme sont des expressions de la communion des personnes comme signe original du don d’amour du Créateur. Il s’ensuit – avait-il souligné – que l’amour de l’homme et de la femme n’est pas une chose privée, ni profane, ni purement biologique, mais quelque chose de sacré qui introduit à un « état », à une nouvelle forme de vie, permanente et responsable. Le mariage et la famille – avait-il rappelé avec force – précèdent, en quelque sorte, la chose publique, et celle-ci doit respecter le droit propre au mariage et à la famille et son mystère intime. Dans la troisième partie, le Cardinal avait affronté les questions pastorales liées à la famille: de celles de la construction d’une communauté de personnes à la question de la procréation de la vie, du devoir éducatif à la nécessité de la préparation des jeunes au mariage et à la vie familiale, des devoirs sociaux aux devoirs culturels et moraux. La famille, avait-il conclu, peut témoigner devant le monde d’une nouvelle humanité face à la domination du matérialisme, de l’hédonisme et de la permissivité.

Il fut également Président Délégué de la Sixième Assemblée (1983) qui a eu pour thème la réconciliation et la pénitence dans la mission de l’Eglise. Dans son intervention aux travaux, il avait réitéré les dispositions pastorales promulguées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi concernant le Sacrement de la réconciliation et il avait approfondi, en particulier, les thèmes liés à deux questions qui étaient apparues plusieurs fois au cours des travaux de l’assemblée; celle concernant l’obligation de confesser les péchés graves déjà absous lors de l’absolution générale et celle concernant la confession personnelle comme élément essentiel du Sacrement.

Sa parole a offert une contribution fondamentale au niveau de la réflexion et de la comparaison dans le déroulement de tous les Synodes des Evêques.

Le 25 novembre 1981, Jean-Paul II le nomma Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Il devint également Président de la Commission pontificale biblique et de la Commission théologique internationale. Le 15 février 1982, il renonçait à la charge pastorale de l’archidiocèse de Munich et Freising.

Son service comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi fut inlassable et il serait impossible de détailler l’ensemble de son travail dans le cadre d’une biographie. Son oeuvre, comme collaborateur de Jean-Paul II fut ininterrompue et précieuse.

Parmi les très nombreux points de référence de son oeuvre, il faut signaler son rôle comme Président de la Commission pour la Préparation du Catéchisme de l’Eglise catholique.

Le 5 avril 1993, il fut appelé au sein du Collège cardinalice à faire partie de l’ordre des Evêques, et il prit possession du Titre de l’église suburbicaire de Velletri-Segni.

Le 6 novembre 1998 il fut nommé Vice-Doyen du Collège cardinalice et le 30 novembre 2002 il en devint le Doyen: à ce titre, il prit possession de l’Eglise suburbicaire d’Ostie.

Avant son élection sur la Chaire de Pierre, il fut Membre du Conseil de la II Section de la Secrétairerie d’Etat; des Congrégations pour les Eglises orientales; pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements; pour les Evêques; pour l’Evangélisation des Peuples; pour l’Education catholique; du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens; de la Commission pontificale pour l’Amérique latine et de la Commission pontificale « Ecclesia Dei ».

A l’occasion du cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale, Jean-Paul II lui envoya un message dans lequel, soulignant que son jubilé coïncidait avec la solennité liturgique des saints Pierre et Paul, il lui rappela à travers des paroles en quelque sorte « prophétiques », que « en Pierre se trouve le principe d’unité, fondé sur la foi solide comme le roc du Prince des Apôtres, en Paul l’exigence intrinsèque de l’Evangile d’appeler chaque homme et chaque peuple à l’obéissance de la foi. Ces deux dimensions se mêlent au témoignage commun de sainteté, qui a cimenté le généreux dévouement des deux apôtres au service de l’Epouse immaculée de Dieu. Comment ne pas découvrir dans ces deux composantes – se demandait Jean-Paul II – également les points de repère fondamentaux du chemin que la Providence a préparé pour vous, Monsieur le Cardinal, en vous appelant au sacerdoce? ».

C’est au Cardinal Ratzinger que furent confiées les méditations de la Via Crucis 2005 célébrée au Colisée. Lors de cet inoubliable Vendredi Saint, Jean-Paul II, serrant le crucifix entre ses mains, comme agripé à lui, devenant une émouvante icône de la souffrance, écouta dans un recueillement silencieux les paroles de celui qui allait devenir son Successeur sur la Chaire de Pierre. De manière significative, le leitmotiv de la Via Crucis fut la parole prononcée par Jésus le Dimanche des Rameaux, par laquelle – immédiatement après son entrée dans Jérusalem – il répond à la demande d’un groupe de grecs qui désiraient le voir: « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). A travers ces paroles, le Seigneur a offert une interprétation « eucharistique » et « sacramentelle » de sa Passion. Il nous montre – telle a été la réflexion du Cardinal – que la Via Crucis n’est pas simplement une chaîne de douleur, de choses néfastes, mais un mystère: c’est justement ce processus par lequel le grain de blé tombe en terre et porte du fruit. En d’autres termes, il nous montre que la Passion est une offrande de soi-même et que ce sacrifice porte du fruit et devient alors un don pour tous.

Ses réflexions, qui résonnèrent le soir du Vendredi Saint dans le cadre suggestif du Colisée, sont restées imprimées dans la conscience des hommes. « Mais ne devons-nous pas penser également – telle a été son invitation vibrante lors de la méditation de la neuvième Station – à ce que le Christ doit souffrir dans son Eglise elle-même? Combien de fois abusons-nous du Saint-Sacrement de sa présence, dans quel coeur vide et mauvais entre-t-il souvent! Combien de fois ne célébrons-nous que nous-mêmes, et ne prenons-nous même pas conscience de sa présence! Combien de fois sa Parole est-elle déformée et galvaudée! Quel manque de foi dans de très nombreuses théories, combien de paroles creuses! Que de souillures dans l’Eglise, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement! Combien d’orgueil et d’autosuffisance! ». « Souvent, Seigneur – telle a été la prière qui a jailli de son coeur -, ton Eglise nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part. Et dans ton champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales de ton Eglise nous effraient. Mais c’est nous-mêmes qui les salissons! C’est nous-mêmes qui te trahissons chaque fois, après toutes nos belles paroles et nos beaux gestes. Prends pitié de ton Eglise… Tu t’es relevé, tu es ressuscité et tu peux aussi nous relever. Sauve ton Eglise et sanctifie-la. Sauve-nous tous et sanctifie-nous » .

Vingt-quatre heures à peine avant la mort de Jean-Paul II, alors qu’il recevait à Subiaco le « Prix Saint-Benoît » décerné par le Fondation « Vie et Famille », il avait répété avec des paroles aujourd’hui particulièrement éloquente: « Nous avons besoin d’hommes comme Benoît de Norcia, qui en un temps de dissipation et de décadence, s’abîma dans la solitude la plus extrême, réussissant, après toutes les purifications qu’il dut subir, à remonter à la lumière. Il rentra et fonda le Mont-Cassin, la ville sur les hauteurs qui, au milieu de toutes ces ruines, réunit les forces à partir desquelles fut créé un monde nouveau. Ainsi Benoît, comme Abraham, devint le père d’un grand nombre de peuples ».
Le vendredi 8 avril – en tant que Doyen du Collège Cardinalice – il présida la Messe d’obsèques de Jean-Paul II sur la Place Saint-Pierre. Son homélie, peut-on dire, a exprimé sa grande fidélité au Pape et sa propre mission: «  »Suis-moi », dit le Seigneur ressuscité à Pierre; telle est sa dernière parole à ce disciple, choisi pour paître ses brebis. « Suis-moi » – cette parole lapidaire du Christ peut être considérée comme la clé pour comprendre le message qui vient de la vie de notre regretté et bien-aimé Pape Jean-Paul II, dont nous déposons aujourd’hui le corps dans la terre comme semence d’immortalité – avec le coeur rempli de tristesse, mais aussi de joyeuse espérance et de profonde gratitude ».

« Suis-moi! » a été la parole-clé, le fil conducteur de l’homélie que le Cardinal Ratzinger a adressée au monde entier durant les obsèques du Saint-Père. Une parole qui raconte la mission de Jean-Paul II et qui constitue dans le même temps une exhortation qui vise chacun.

«  »Suis-moi! » En même temps qu’il lui confiait de paître son troupeau – telles furent les paroles bouleversantes du Cardinal Ratzinger dans son homélie vibrante et émue lors de la Messe de funérailles -, le Christ annonça à Pierre son martyre. Par cette parole qui conclut et qui résume le dialogue sur l’amour et sur la charge de pasteur universel, le Seigneur rappelle un autre dialogue, qui s’est passé pendant la dernière Cène. Jésus avait dit alors: « Là où je m’en vais, vous ne pouvez pas y aller ». Pierre lui dit: « Seigneur, où vas-tu? ». Jésus lui répondit: « Là où je m’en vais, tu ne peux pas me suivre pour l’instant; tu me suivras plus tard » (Jn 13, 33.36). Jésus va de la Cène à la Croix, et à la Résurrection – il entre dans le mystère pascal; Pierre ne peut pas encore le suivre. Maintenant – après la Résurrection – ce moment est venu, ce « plus tard ». En étant le Pasteur du troupeau du Christ, Pierre entre dans le mystère pascal, il va vers la Croix et la Résurrection. Le Seigneur le dit par ces mots, « Quand tu étais jeune… tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller » (Jn 21, 18). Dans la première période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde. Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles: « C’est un autre qui te mettra ta ceinture… ». Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Evangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1) ».

« Il a interprété pour nous – a affirmé le Cardinal Ratzinger – le mystère pascal comme mystère de la Divine miséricorde… Le Pape a souffert et aimé en communion avec le Christ et c’est pourquoi le message de sa souffrance et de son silence a été si éloquent et si fécond » (ibid.). Il a ensuite conclu par des paroles qui constituent en quelque sorte une « synthèse », pourrait-on dire, du Pontificat de Jean-Paul II, mais également de sa propre mission de fidèle, de collaborateur direct et très proche du Pape depuis 1981, comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi: « Divine Miséricorde: le Saint-Père a trouvé le reflet le plus pur de la miséricorde de Dieu dans la Mère de Dieu. Lui, qui tout jeune avait perdu sa mère, en a d’autant plus aimé la Mère de Dieu. Il a entendu les paroles du Seigneur crucifié comme si elles lui étaient personnellement adressées: « Voici ta Mère ». Et il a fait comme le disciple bien-aimé: il l’a accueillie au plus profond de son être (eis ta idiaJn 19, 27) – Totus Tuus. Et de cette Mère il a appris à se conformer au Christ. Pour nous tous demeure inoubliable la manière dont en ce dernier Dimanche de Pâques de son existence, le Saint-Père, marqué par la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre du Palais apostolique et a donné une dernière fois la Bénédiction « Urbi et Orbi ». Nous pouvons être sûrs que notre Pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la Maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit. Oui, puisses-tu nous bénir, Très Saint-Père; nous confions ta chère âme à la Mère de Dieu, ta Mère, qui t’a conduit chaque jour et te conduira maintenant à la gloire éternelle de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur » (ibid.). 

A la veille de son élection sur le Trône pontifical, dans la matinée du lundi 18 avril, dans la Basilique Vaticane, il a célébré la Messe « pro eligendo Romano Pontifice » avec les 115 Cardinaux, à quelques heures du début du Conclave qui allait l’élire. « En cette heure de grande responsabilité – a exhorté le Cardinal -, nous écoutons avec une attention particulière ce que le Seigneur nous dit ». En se référant aux lectures de la Liturgie, il a rappelé: « La miséricorde divine pose une limite au mal – nous a dit le Saint-Père. Jésus Christ est la miséricorde divine en personne: rencontrer le Christ signifie rencontrer la miséricorde de Dieu. Le mandat du Christ est devenu notre mandat à travers l’onction sacerdotale; nous sommes appelés à promulguer – non seulement à travers nos paroles mais également notre vie, avec les signes efficaces des sacrements, « l’année de grâce du Seigneur » ». « La miséricorde du Christ – a-t-il souligné – n’est pas une grâce à bon marché, elle ne suppose pas la banalisation du mal. Le Christ porte dans son corps et sur son âme tout le poids du mal, toute sa force destructrice. Il brûle et transforme le mal dans la souffrance, dans le feu de son amour qui souffre ». « Plus nous sommes touchés par la miséricorde du Seigneur – a-t-il ajouté -, plus nous devenons solidaires de sa souffrance – et plus nous sommes prêts à compléter dans notre chair « ce qu’il manque aux épreuves du Christ » (Col 1, 24) ».

« Nous ne devrions pas – a-t-il ensuite exhorté – rester des enfants dans la foi, dans un état de minorité… Combien de vents de la doctrine avons-nous connus au cours des dernières décennies, combien de courants idéologiques, combien de modes de la pensée… La petite barque de la pensée de nombreux chrétiens a été souvent ballottée par ces vagues – jetée d’un extrême à l’autre: du marxisme au libéralisme, jusqu’au libertinisme; du collectivisme à l’individualisme radical; de l’athéïsme à un vague mysticisme religieux; de l’agnosticisme au syncrétisme et ainsi de suite. Chaque jour naissent de nouvelles sectes et se réalise ce que dit saint Paul à propos de l’imposture des hommes, de l’astuce qui tend à les induire en erreur (cf. Ep 4, 14). Posséder une foi claire, selon le Credo de l’Eglise, est souvent défini comme du fondamentalisme. Tandis que le relativisme, c’est-à-dire se laisser entraîner « à tout vent de la doctrine », apparaît comme l’unique attitude à la hauteur de l’époque actuelle. L’on est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs. Nous possédons, en revanche, une autre mesure: le Fils de Dieu, l’homme véritable. C’est lui la mesure du véritable humanisme. Une foi « adulte » ne suit pas les courants de la mode et des dernières nouveautés; une foi adulte et mûre est une foi profondément enracinée dans l’amitié avec le Christ. C’est cette amitié qui nous ouvre à tout ce qui est bon et qui nous donne le critère permettant de discerner entre le vrai et le faux, entre imposture et vérité. Cette foi adulte doit mûrir en nous, c’est vers cette foi que nous devons guider le troupeau du Christ ». « Notre ministère – a-t-il rappelé en conclusion – est un don du Christ aux hommes, pour édifier son Corps – le monde nouveau. Nous vivons notre ministère ainsi, comme un don du Christ aux hommes! Mais en cette heure, en particulier, nous prions avec insistance le Seigneur afin qu’après le grand don du Pape Jean-Paul II, il nous donne à nouveau un pasteur selon son coeur, un pasteur qui nous guide à la connaissance du Christ, à son amour, à la joie véritable » (Ibid.) 

 

La renonciation :

Le lundi 11 février 2013, le pape Benoît XVI a déclaré renoncer au ministère d’Evêque de Rome, charge confiée par les cardinaux le 19 avril 2005. Le 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de saint Pierre devient vacant. Le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife est convoqué.
Frères très chers,

« Je vous ai convoqués à ce Consistoire non seulement pour les trois canonisations, mais également pour vous communiquer une décision de grande importance pour la vie de l’Eglise. Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. C’est pourquoi, bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Evêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire.

Frères bien-aimés, je vous remercie de tout cœur pour tout l’amour et le travail par lesquels vous avez porté avec moi le poids de mon ministère, et je demande pardon pour tous mes manques.

Maintenant, confions la Sainte Eglise au soin de son Pasteur Suprême, Notre Seigneur Jésus Christ et implorons Marie sa Sainte Mère afin qu’elle assiste de sa bonté maternelle les Pères cardinaux dans l’élection du nouveau Souverain Pontife.

En ce qui me concerne, dans l’avenir, je voudrais servir de tout cœur la Sainte Eglise de Dieu dans une vie dédiée à la prière. »

L’ancien souverain pontife allemand s’était retiré dans le monastère Mater Ecclesiæ, au cœur des jardins du Vatican

 

 

Le Vatican publie le testament spirituel de Benoît XVI

 

«Si, à cette heure tardive de ma vie, je jette un regard en arrière sur les décennies que j’ai traversées, je vois tout d’abord combien j’ai de raisons de remercier. Je remercie avant tout Dieu lui-même, le dispensateur de tous les bons dons, qui m’a donné la vie et m’a guidé à travers de nombreuses tribulations, qui m’a toujours relevé lorsque je commençais à glisser, qui m’a toujours offert la lumière de son visage. En regardant en arrière, je vois et je comprends que même les parties sombres et pénibles de ce chemin ont été pour mon Salut et que c’est justement là qu’Il m’a bien guidé.

Je remercie mes parents qui m’ont donné la vie à une époque difficile et qui, au prix de grands renoncements, m’ont préparé par leur amour un merveilleux foyer qui comme une lumière claire illuminent tous mes jours jusqu’à aujourd’hui. La foi clairvoyante de mon père nous a appris à croire, à nous frères et sœurs, et elle a tenu bon comme guide au milieu de toutes mes connaissances scientifiques ; la piété chaleureuse et la grande bonté de ma mère restent un héritage pour lequel je ne pourrai jamais assez rendre grâce. Ma sœur m’a servi de manière désintéressée et pleine de sollicitude pendant des décennies ; mon frère m’a toujours ouvert la voie par la clairvoyance de ses jugements, avec sa puissante détermination et avec la sérénité de son cœur ; sans cette présence continue qui me précède et m’accompagne, je n’aurais pas pu trouver le bon chemin.

Je remercie Dieu du fond du cœur pour les nombreux amis, hommes et femmes, qu’Il a toujours mis à mes côtés ; pour les collaborateurs à toutes les étapes de mon chemin ; pour les enseignants et les élèves qu’il m’a donnés. Je les confie tous avec reconnaissance à sa bonté. Et je voudrais remercier le Seigneur pour ma belle patrie des Préalpes bavaroises, dans laquelle j’ai toujours pu voir transparaître la splendeur du Créateur Lui-même. Je remercie les habitants de ma patrie de m’avoir toujours permis de faire l’expérience de la beauté de la foi. Je prie pour cela, pour que notre pays reste une terre de foi et vous prie : chers compatriotes, ne vous laissez pas détourner de la foi. Enfin, je remercie Dieu pour toutes les belles choses que j’ai pu expérimenter aux différentes étapes de mon parcours, mais surtout à Rome et en Italie, qui est devenue ma deuxième patrie.

À tous ceux à qui j’ai fait du tort d’une manière ou d’une autre, je demande pardon du fond du cœur.

Ce que j’ai dit tout à l’heure de mes compatriotes, je le dis maintenant à tous ceux qui ont été confiés à mon ministère dans l’Église : Tenez bon dans la foi ! Ne vous laissez pas troubler ! Il semble souvent que la science – d’une part les sciences naturelles, d’autre part la recherche historique (en particulier l’exégèse des Saintes Écritures) – ait des vues irréfutables qui s’opposent à la foi catholique. J’ai assisté de loin aux transformations des sciences naturelles et j’ai pu voir comment des certitudes apparentes fondées contre la foi, ne se révélaient pas être des sciences, mais des interprétations philosophiques appartenant seulement en apparence à la science – tout comme la foi a appris, dans le dialogue avec les sciences naturelles, la limite de la portée de ses affirmations et ainsi à mieux comprendre ce qu’elle est.

Depuis soixante ans, j’accompagne le chemin de la théologie, en particulier celui des études bibliques, et j’ai vu s’effondrer, au fil des générations, des thèses qui semblaient inébranlables et qui se sont révélées n’être que de simples hypothèses : la génération libérale (Harnack, Jülicher, etc.), la génération existentialiste (Bultmann, etc.), la génération marxiste. J’ai vu et je vois comment, dans l’enchevêtrement des hypothèses, la raison de la foi a émergé et émerge à nouveau. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l’Église, dans toutes ses imperfections, est vraiment Son corps.

Enfin, je demande humblement : priez pour moi, afin que le Seigneur me laisse entrer dans les demeures éternelles malgré tous mes péchés et mes insuffisances. À tous ceux qui me sont confiés, j’adresse jour après jour ma prière qui vient du cœur.»

Samedi 31 Décembre 2022

Que Dieu fasse miséricorde au Pape benoit

Message du Pape François : 

« En ce moment, nos pensées vont spontanément à notre cher pape émérite Benoît XVI, qui nous a quittés ce matin.

C’est avec émotion que nous nous souvenons de sa personne si noble, si aimable. Et nous ressentons tant de gratitude dans nos cœurs : gratitude envers Dieu pour l’avoir donné à l’Église et au monde ; gratitude envers lui, pour tout le bien qu’il a accompli, et surtout pour son témoignage de foi et de prière, surtout dans les dernières années de sa vie de retraité.

Dieu seul connaît la valeur et la force de son intercession, de ses sacrifices offerts pour le bien de l’Église. »

 

 

 

Homélie du pape François pour les funérailles du pape Benoît XVI

Publié le 05 janvier 2023

« Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46). Ce sont les dernières paroles que le Seigneur a prononcées sur la croix ; son dernier soupir – pourrait-on dire -, qui confirme ce qui a caractérisé toute sa vie : une permanente remise de soi entre les mains de son Père. Des mains de pardon et de compassion, de guérison et de miséricorde, des mains d’onction et de bénédiction qui le poussèrent à se livrer aussi aux mains de ses frères. Le Seigneur, ouvert aux histoires qu’il rencontrait sur son chemin, s’est laissé ciseler par la volonté de Dieu en prenant sur ses épaules toutes les conséquences et les difficultés de l’Évangile, jusqu’à voir ses mains meurtries par amour : « Vois mes mains », dit-il à Thomas (Jn 20, 27), et il le dit à chacun de nous. Des mains meurtries qui vont à la rencontre et ne cessent de s’offrir, afin que nous connaissions l’amour que Dieu a pour nous et que nous croyions en lui (cf. 1 Jn 4, 16).[1]

« Père, entre tes mains je remets mon esprit » est l’invitation et le programme de vie qui inspire et veut modeler comme un potier (cf. Is 29, 16) le cœur du pasteur, jusqu’à ce que palpitent en lui les mêmes sentiments que ceux du Christ Jésus (cf. Ph 2, 5). Dévouement reconnaissant de service au Seigneur et à son Peuple qui naît du fait d’avoir accueilli un don totalement gratuit : “Tu m’appartiens… Tu leur appartiens”, susurre le Seigneur ; “Tu es sous la protection de mes mains, sous la protection de mon cœur. Reste dans le creux de mes mains et donne-moi les tiennes”.[2] C’est la condescendance de Dieu et sa proximité capable de se placer dans les mains fragiles de ses disciples pour nourrir son peuple et dire avec lui : prenez et mangez, prenez et buvez, ceci est mon corps qui s’offre pour vous (cf. Lc 22, 19).

Un dévouement priant, qui se façonne et s’affine silencieusement entre les carrefours et les contradictions que le pasteur doit affronter (cf. 1 P 1, 6-7) et l’invitation confiante à paître le troupeau (cf. Jn 21, 17). Comme le Maître, il porte sur ses épaules la fatigue de l’intercession et l’usure de l’onction pour son peuple, surtout là où la bonté doit lutter et où les frères voient leur dignité menacée (cf. He 5, 7-9). Dans cette rencontre d’intercession, le Seigneur continue à générer la douceur capable de comprendre, d’accueillir, d’espérer et de parier au-delà des incompréhensions que cela peut susciter. Une fécondité invisible et insaisissable, qui naît du fait de savoir dans quelles la confiance a été placée (cf. 2 Tm 1, 12). Une confiance priante et adoratrice, capable d’interpréter les actions du pasteur et d’adapter son cœur et ses décisions aux temps de Dieu (cf. Jn 21, 18) : « Être le pasteur veut dire aimer, et aimer veut dire aussi être prêt à souffrir. Aimer signifie : donner aux brebis le vrai bien, la nourriture de la vérité de Dieu, de la parole de Dieu, la nourriture de sa présence ».[3]

Un dévouement soutenu par la consolation de l’Esprit, qui le précède toujours dans la mission : dans la quête passionnée de communiquer la beauté et la joie de l’Évangile (cf. Exhort. Ap. Gaudete et exsultate, n. 57), dans le témoignage fécond de ceux qui, comme Marie, restent de bien des manières au pied de la croix, dans cette paix douloureuse mais solide qui n’agresse ni ne soumet ; et dans l’espérance obstinée mais patiente que le Seigneur accomplira sa promesse, comme il l’avait promis à nos pères et à sa descendance à jamais (cf. Lc 1, 54-55). Nous aussi, fermement attachés aux dernières paroles du Seigneur et au témoignage qui a marqué sa vie, nous voulons, en tant que communauté ecclésiale, suivre ses traces et confier notre frère aux mains du Père : que ces mains de miséricorde trouvent sa lampe allumée avec l’huile de l’Évangile qu’il a répandue et dont il a témoigné durant sa vie (cf. Mt 25, 6-7).

Benoît, fidèle ami de l’Époux, que ta joie soit parfaite en entendant sa voix, définitivement et pour toujours !

Saint Grégoire le Grand, à la fin de la Règle pastorale, invite et exhorte un ami à lui offrir cette compagnie spirituelle : « Au milieu des tempêtes de ma vie, je me console par la confiance que tu me tiendras à flot sur la table de tes prières, et que, si le poids de mes fautes m’abat et m’humilie, tu me prêteras le secours de tes mérites pour me relever ». C’est la conscience du pasteur qu’il ne peut pas porter tout seul ce que, en réalité, il ne pourrait jamais supporter tout seul et, par conséquent, il sait s’abandonner à la prière et au soin du peuple qui lui est confié.[4] C’est le peuple fidèle de Dieu qui, rassemblé, accompagne et confie la vie de celui qui a été son pasteur. Comme les femmes de l’Évangile au sépulcre, nous sommes ici avec le parfum de la gratitude et l’onguent de l’espérance pour lui démontrer, encore une fois, l’amour qui ne se perd pas. Nous voulons le faire avec la même onction, sagesse, délicatesse et dévouement qu’il a su prodiguer au cours des années. Nous voulons dire ensemble: “Père, entre tes mains nous remettons son esprit”.

Benoît, fidèle ami de l’Époux, que ta joie soit parfaite en entendant sa voix, définitivement et pour toujours !

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[1] Cf. Benoît XVI, Enc. Deus caritas est, n. 1.

[2] C. ID., Homélie de la Messe Chrismale, 13 avril 2006.

[3] ID., Homélie de la Messe inaugurale du pontificat, 24 avril 2005.

[4] Cf. ibid

 

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