L’eau dans la bible
► Quelle est la place de l’eau dans la Création ?
Dans le premier récit de la Création, après le temps matérialisé par l’alternance du jour et de la nuit, c’est l’eau qui jaillit de la Parole de Dieu (Gn 1, 6-8). Alors seulement, là où l’eau se retire, peut apparaître la terre qui portera toutes sortes de végétaux (1, 9-12).
Dans le second récit de la Création, avant même que Dieu n’ait fait pleuvoir sur terre, « une source montait de la terre et irriguait toute la surface du sol » (2, 6). En mêlant cette eau à la « poussière du sol », Dieu peut donner forme au premier homme. Sans eau, la terre est stérile. Chassant Adam et Ève du jardin d’Éden, Dieu prédit ainsi leur mort à venir : « Jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens » (3, 19).
À lire aussi« À quoi peut bien servir un théologien face à la crise écologique ? »
« Dieu est le maître des eaux. Il les retient ou les relâche à son gré », explique le père Marie-Émile Boismard, exégète dominicain (1916-2004), dans le Vocabulaire de théologie biblique (Cerf, 2013). C’est pourquoi l’eau est considérée comme une bénédiction, ou même une récompense divine, et la sécheresse comme un châtiment : « Celui qui va selon la justice (…), les eaux lui seront assurées » (Is 15, 16).
► L’eau, un symbole sacré ?
Condition de la vie, l’eau a aussi une fonction purifiante. Les rituels de pureté sont nombreux dans la Loi de Moïse. Quand on a touché un cadavre ou un animal impur, quand une femme a accouché, quand on a été en contact avec un lépreux… on doit laver son corps et ses vêtements. « Certaines ablutions sembleraient simples mesures d’hygiène élémentaire (…). En fait, il s’agit non d’hygiène, mais de pureté rituelle », assure Jean Gaillard dans le Dictionnaire de spiritualité (Beauchesne). Se laver de toute souillure restaure la relation à Dieu abîmée par l’impureté, même quand celle-ci est involontaire.
Cette eau purifiante est symbole de pureté morale : « Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense », supplie le psaume (50, 4). « On se lave les mains pour signifier qu’elles (…) n’ont pas perpétré le mal », rappelle le père Boismard, se référant au psaume 25, 6 : « Je lave mes mains en signe d’innocence. »
► L’eau, une bénédiction ou malédiction ?
Mais la Bible n’ignore pas le caractère ambivalent de l’eau, symbole de mort autant que de vie. Crues violentes et inondations, orages dévastateurs, raz-de-marée, déluge sont aussi des instruments de la colère de Dieu, telles les grandes nations impérialistes qui déferlent sur le peuple hébreu : « Ces nations rugissent comme rugissent les grandes eaux » (Is 17, 13).
Les Hébreux n’étaient pas de grands navigateurs en mer. Leur accès à la Méditerranée est « resté limité, explique le père Thomas P. Osborne (1). D’une part, la plaine des Philistins (ennemis des Hébreux, qui vivaient le long de la mer, NDLR) fut une barrière politique ; d’autre part, le passage des armées des grandes puissances le long de la côte (L’Égypte, Rome… NDLR) a imposé une certaine réserve et distanciation stratégique », d’où leur implantation dans l’intérieur des terres.
À lire aussiAu Royaume-Uni, la quête spirituelle des nageurs en eau glacée
La mer est un symbole de mort. Prisonnier des entrailles d’un grand poisson, Jonas s’écrie : « Les eaux m’ont assailli jusqu’à l’âme, l’abîme m’a cerné (…). Je descendis aux pays dont les verrous m’enfermaient pour toujours » (Jon 2, 6-7). Elle est le lieu des puissances démoniaques, comme cette créature mythique dont seul Dieu peut venir à bout : « C’est toi (…) qui écrasas la tête de Léviathan pour nourrir les monstres marins » (Ps 73, 14).
C’est en traversant des eaux dangereuses, celles de la mer Rouge, que le peuple hébreu fuit le pays d’Égypte pour accéder à la liberté, guidé par Moïse lui-même « sauvé des eaux » (Ex 14, 15–15, 21). Après quarante ans d’errance dans le désert, il lui faudra encore traverser le Jourdain pour entrer dans la Terre promise (Jos 3, 16). Dans les deux cas, Dieu retiendra les eaux pour permettre au peuple le passage à pied sec. Certains exégètes voient dans ces deux traversées une préfiguration du baptême.
► Qu’en dit le Nouveau Testament ?
Dans les quatre Évangiles, la vie publique de Jésus commence par son baptême dans l’eau du Jourdain, par son cousin Jean dit le Baptiste. Celui-ci « proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés » assorti d’une confession publique (Mc 1, 4-5). Jean annonce que Jésus, lui, ne baptisera pas dans l’eau mais dans l’Esprit Saint.
Dans l’Ancien Testament, l’eau est déjà souvent associée à l’Esprit de Dieu. L’eau comme l’Esprit font l’objet d’une promesse de Dieu pour des jours nouveaux : « Je répandrai l’eau sur ce qui est assoiffé, des ruisseaux sur la terre desséchée. Je répandrai mon esprit sur ta postérité, ma bénédiction sur tes descendants » (Is 44, 3). « L’attente de l’eau divine était entretenue avec ferveur dans les cercles messianiques du Ier siècle », rappelle le père Boismard.
À lire aussiMgr Jordy sur le boom des baptêmes : « L’Église évangélise à son insu »
Les disciples du Christ ont cru qu’en lui, les promesses faites aux Hébreux avaient été réalisées. Saint Paul écrit : « C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous (…) avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit » (1 Co 12, 13). Comme Jésus lui-même l’expliquait à Nicodème, « personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jn 3, 5).
L’eau est le symbole de la vie, mais elle a pris pour les chrétiens une dimension nouvelle, celle de la vie divine donnée dès le baptême. C’est celle que promet Jésus à la Samaritaine, « l’eau vive » qui désaltère pour toujours (Jn 4, 13-14). Mais elle symbolise aussi la mort dans laquelle nous devons plonger avant la résurrection (cf. Rm 6, 3-11). L’eau qui vivifie ne dispense pas de passer par la douleur et la mort, comme le Christ l’a fait lui-même, disant « J’ai soif » (Jn 19, 28), une parole bien humaine, en ses derniers instants.
—
Extrait. « De l’eau jaillissait vers l’orient »
Ézéchiel 47, 1…12 (Traduction officielle liturgique)
« L’homme me fit revenir à l’entrée de la Maison, et voici : sous le seuil de la Maison, de l’eau jaillissait vers l’orient (…). L’homme me dit : “Cette eau coule vers la région de l’orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tous lieux où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. (…) Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d’arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède.“ »
(1) Auteur de Ce que dit la Bible sur… l’eau, Nouvelle Cité, 2021.
Source La Croix
Publié le 12 janvier 2025
L’eau dans la bible
► Quelle est la place de l’eau dans la Création ?
Dans le premier récit de la Création, après le temps matérialisé par l’alternance du jour et de la nuit, c’est l’eau qui jaillit de la Parole de Dieu (Gn 1, 6-8). Alors seulement, là où l’eau se retire, peut apparaître la terre qui portera toutes sortes de végétaux (1, 9-12).
Dans le second récit de la Création, avant même que Dieu n’ait fait pleuvoir sur terre, « une source montait de la terre et irriguait toute la surface du sol » (2, 6). En mêlant cette eau à la « poussière du sol », Dieu peut donner forme au premier homme. Sans eau, la terre est stérile. Chassant Adam et Ève du jardin d’Éden, Dieu prédit ainsi leur mort à venir : « Jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens » (3, 19).
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« Dieu est le maître des eaux. Il les retient ou les relâche à son gré », explique le père Marie-Émile Boismard, exégète dominicain (1916-2004), dans le Vocabulaire de théologie biblique (Cerf, 2013). C’est pourquoi l’eau est considérée comme une bénédiction, ou même une récompense divine, et la sécheresse comme un châtiment : « Celui qui va selon la justice (…), les eaux lui seront assurées » (Is 15, 16).
► L’eau, un symbole sacré ?
Condition de la vie, l’eau a aussi une fonction purifiante. Les rituels de pureté sont nombreux dans la Loi de Moïse. Quand on a touché un cadavre ou un animal impur, quand une femme a accouché, quand on a été en contact avec un lépreux… on doit laver son corps et ses vêtements. « Certaines ablutions sembleraient simples mesures d’hygiène élémentaire (…). En fait, il s’agit non d’hygiène, mais de pureté rituelle », assure Jean Gaillard dans le Dictionnaire de spiritualité (Beauchesne). Se laver de toute souillure restaure la relation à Dieu abîmée par l’impureté, même quand celle-ci est involontaire.
Cette eau purifiante est symbole de pureté morale : « Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense », supplie le psaume (50, 4). « On se lave les mains pour signifier qu’elles (…) n’ont pas perpétré le mal », rappelle le père Boismard, se référant au psaume 25, 6 : « Je lave mes mains en signe d’innocence. »
► L’eau, une bénédiction ou malédiction ?
Mais la Bible n’ignore pas le caractère ambivalent de l’eau, symbole de mort autant que de vie. Crues violentes et inondations, orages dévastateurs, raz-de-marée, déluge sont aussi des instruments de la colère de Dieu, telles les grandes nations impérialistes qui déferlent sur le peuple hébreu : « Ces nations rugissent comme rugissent les grandes eaux » (Is 17, 13).
Les Hébreux n’étaient pas de grands navigateurs en mer. Leur accès à la Méditerranée est « resté limité, explique le père Thomas P. Osborne (1). D’une part, la plaine des Philistins (ennemis des Hébreux, qui vivaient le long de la mer, NDLR) fut une barrière politique ; d’autre part, le passage des armées des grandes puissances le long de la côte (L’Égypte, Rome… NDLR) a imposé une certaine réserve et distanciation stratégique », d’où leur implantation dans l’intérieur des terres.
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La mer est un symbole de mort. Prisonnier des entrailles d’un grand poisson, Jonas s’écrie : « Les eaux m’ont assailli jusqu’à l’âme, l’abîme m’a cerné (…). Je descendis aux pays dont les verrous m’enfermaient pour toujours » (Jon 2, 6-7). Elle est le lieu des puissances démoniaques, comme cette créature mythique dont seul Dieu peut venir à bout : « C’est toi (…) qui écrasas la tête de Léviathan pour nourrir les monstres marins » (Ps 73, 14).
C’est en traversant des eaux dangereuses, celles de la mer Rouge, que le peuple hébreu fuit le pays d’Égypte pour accéder à la liberté, guidé par Moïse lui-même « sauvé des eaux » (Ex 14, 15–15, 21). Après quarante ans d’errance dans le désert, il lui faudra encore traverser le Jourdain pour entrer dans la Terre promise (Jos 3, 16). Dans les deux cas, Dieu retiendra les eaux pour permettre au peuple le passage à pied sec. Certains exégètes voient dans ces deux traversées une préfiguration du baptême.
► Qu’en dit le Nouveau Testament ?
Dans les quatre Évangiles, la vie publique de Jésus commence par son baptême dans l’eau du Jourdain, par son cousin Jean dit le Baptiste. Celui-ci « proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés » assorti d’une confession publique (Mc 1, 4-5). Jean annonce que Jésus, lui, ne baptisera pas dans l’eau mais dans l’Esprit Saint.
Dans l’Ancien Testament, l’eau est déjà souvent associée à l’Esprit de Dieu. L’eau comme l’Esprit font l’objet d’une promesse de Dieu pour des jours nouveaux : « Je répandrai l’eau sur ce qui est assoiffé, des ruisseaux sur la terre desséchée. Je répandrai mon esprit sur ta postérité, ma bénédiction sur tes descendants » (Is 44, 3). « L’attente de l’eau divine était entretenue avec ferveur dans les cercles messianiques du Ier siècle », rappelle le père Boismard.
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Les disciples du Christ ont cru qu’en lui, les promesses faites aux Hébreux avaient été réalisées. Saint Paul écrit : « C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous (…) avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit » (1 Co 12, 13). Comme Jésus lui-même l’expliquait à Nicodème, « personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jn 3, 5).
L’eau est le symbole de la vie, mais elle a pris pour les chrétiens une dimension nouvelle, celle de la vie divine donnée dès le baptême. C’est celle que promet Jésus à la Samaritaine, « l’eau vive » qui désaltère pour toujours (Jn 4, 13-14). Mais elle symbolise aussi la mort dans laquelle nous devons plonger avant la résurrection (cf. Rm 6, 3-11). L’eau qui vivifie ne dispense pas de passer par la douleur et la mort, comme le Christ l’a fait lui-même, disant « J’ai soif » (Jn 19, 28), une parole bien humaine, en ses derniers instants.
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Extrait. « De l’eau jaillissait vers l’orient »
Ézéchiel 47, 1…12 (Traduction officielle liturgique)
« L’homme me fit revenir à l’entrée de la Maison, et voici : sous le seuil de la Maison, de l’eau jaillissait vers l’orient (…). L’homme me dit : “Cette eau coule vers la région de l’orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tous lieux où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. (…) Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d’arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède.“ »
(1) Auteur de Ce que dit la Bible sur… l’eau, Nouvelle Cité, 2021.
Source La Croix
Publié le 12 janvier 2025
L’eau dans la bible
► Quelle est la place de l’eau dans la Création ?
Dans le premier récit de la Création, après le temps matérialisé par l’alternance du jour et de la nuit, c’est l’eau qui jaillit de la Parole de Dieu (Gn 1, 6-8). Alors seulement, là où l’eau se retire, peut apparaître la terre qui portera toutes sortes de végétaux (1, 9-12).
Dans le second récit de la Création, avant même que Dieu n’ait fait pleuvoir sur terre, « une source montait de la terre et irriguait toute la surface du sol » (2, 6). En mêlant cette eau à la « poussière du sol », Dieu peut donner forme au premier homme. Sans eau, la terre est stérile. Chassant Adam et Ève du jardin d’Éden, Dieu prédit ainsi leur mort à venir : « Jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens » (3, 19).
À lire aussi« À quoi peut bien servir un théologien face à la crise écologique ? »
« Dieu est le maître des eaux. Il les retient ou les relâche à son gré », explique le père Marie-Émile Boismard, exégète dominicain (1916-2004), dans le Vocabulaire de théologie biblique (Cerf, 2013). C’est pourquoi l’eau est considérée comme une bénédiction, ou même une récompense divine, et la sécheresse comme un châtiment : « Celui qui va selon la justice (…), les eaux lui seront assurées » (Is 15, 16).
► L’eau, un symbole sacré ?
Condition de la vie, l’eau a aussi une fonction purifiante. Les rituels de pureté sont nombreux dans la Loi de Moïse. Quand on a touché un cadavre ou un animal impur, quand une femme a accouché, quand on a été en contact avec un lépreux… on doit laver son corps et ses vêtements. « Certaines ablutions sembleraient simples mesures d’hygiène élémentaire (…). En fait, il s’agit non d’hygiène, mais de pureté rituelle », assure Jean Gaillard dans le Dictionnaire de spiritualité (Beauchesne). Se laver de toute souillure restaure la relation à Dieu abîmée par l’impureté, même quand celle-ci est involontaire.
Cette eau purifiante est symbole de pureté morale : « Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense », supplie le psaume (50, 4). « On se lave les mains pour signifier qu’elles (…) n’ont pas perpétré le mal », rappelle le père Boismard, se référant au psaume 25, 6 : « Je lave mes mains en signe d’innocence. »
► L’eau, une bénédiction ou malédiction ?
Mais la Bible n’ignore pas le caractère ambivalent de l’eau, symbole de mort autant que de vie. Crues violentes et inondations, orages dévastateurs, raz-de-marée, déluge sont aussi des instruments de la colère de Dieu, telles les grandes nations impérialistes qui déferlent sur le peuple hébreu : « Ces nations rugissent comme rugissent les grandes eaux » (Is 17, 13).
Les Hébreux n’étaient pas de grands navigateurs en mer. Leur accès à la Méditerranée est « resté limité, explique le père Thomas P. Osborne (1). D’une part, la plaine des Philistins (ennemis des Hébreux, qui vivaient le long de la mer, NDLR) fut une barrière politique ; d’autre part, le passage des armées des grandes puissances le long de la côte (L’Égypte, Rome… NDLR) a imposé une certaine réserve et distanciation stratégique », d’où leur implantation dans l’intérieur des terres.
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La mer est un symbole de mort. Prisonnier des entrailles d’un grand poisson, Jonas s’écrie : « Les eaux m’ont assailli jusqu’à l’âme, l’abîme m’a cerné (…). Je descendis aux pays dont les verrous m’enfermaient pour toujours » (Jon 2, 6-7). Elle est le lieu des puissances démoniaques, comme cette créature mythique dont seul Dieu peut venir à bout : « C’est toi (…) qui écrasas la tête de Léviathan pour nourrir les monstres marins » (Ps 73, 14).
C’est en traversant des eaux dangereuses, celles de la mer Rouge, que le peuple hébreu fuit le pays d’Égypte pour accéder à la liberté, guidé par Moïse lui-même « sauvé des eaux » (Ex 14, 15–15, 21). Après quarante ans d’errance dans le désert, il lui faudra encore traverser le Jourdain pour entrer dans la Terre promise (Jos 3, 16). Dans les deux cas, Dieu retiendra les eaux pour permettre au peuple le passage à pied sec. Certains exégètes voient dans ces deux traversées une préfiguration du baptême.
► Qu’en dit le Nouveau Testament ?
Dans les quatre Évangiles, la vie publique de Jésus commence par son baptême dans l’eau du Jourdain, par son cousin Jean dit le Baptiste. Celui-ci « proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés » assorti d’une confession publique (Mc 1, 4-5). Jean annonce que Jésus, lui, ne baptisera pas dans l’eau mais dans l’Esprit Saint.
Dans l’Ancien Testament, l’eau est déjà souvent associée à l’Esprit de Dieu. L’eau comme l’Esprit font l’objet d’une promesse de Dieu pour des jours nouveaux : « Je répandrai l’eau sur ce qui est assoiffé, des ruisseaux sur la terre desséchée. Je répandrai mon esprit sur ta postérité, ma bénédiction sur tes descendants » (Is 44, 3). « L’attente de l’eau divine était entretenue avec ferveur dans les cercles messianiques du Ier siècle », rappelle le père Boismard.
À lire aussiMgr Jordy sur le boom des baptêmes : « L’Église évangélise à son insu »
Les disciples du Christ ont cru qu’en lui, les promesses faites aux Hébreux avaient été réalisées. Saint Paul écrit : « C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous (…) avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit » (1 Co 12, 13). Comme Jésus lui-même l’expliquait à Nicodème, « personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jn 3, 5).
L’eau est le symbole de la vie, mais elle a pris pour les chrétiens une dimension nouvelle, celle de la vie divine donnée dès le baptême. C’est celle que promet Jésus à la Samaritaine, « l’eau vive » qui désaltère pour toujours (Jn 4, 13-14). Mais elle symbolise aussi la mort dans laquelle nous devons plonger avant la résurrection (cf. Rm 6, 3-11). L’eau qui vivifie ne dispense pas de passer par la douleur et la mort, comme le Christ l’a fait lui-même, disant « J’ai soif » (Jn 19, 28), une parole bien humaine, en ses derniers instants.
—
Extrait. « De l’eau jaillissait vers l’orient »
Ézéchiel 47, 1…12 (Traduction officielle liturgique)
« L’homme me fit revenir à l’entrée de la Maison, et voici : sous le seuil de la Maison, de l’eau jaillissait vers l’orient (…). L’homme me dit : “Cette eau coule vers la région de l’orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tous lieux où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. (…) Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d’arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède.“ »
(1) Auteur de Ce que dit la Bible sur… l’eau, Nouvelle Cité, 2021.
Source La Croix
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Publié le 12 janvier 2025