Genèse, chapitre 1 |
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Genèse, chapitre 2
‘Nous sommes responsables de ce à quoi nous donnons un nom »
Gn 2:19- | Yahvé Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel, et il les amena à l’homme pour voir comment celui-ci les appellerait : chacun devait porter le nom que l’homme lui aurait donné. |
Laudato si
Pour sa première encyclique écrite entièrement de sa main, le pape François n’a pas voulu d’un titre latin. Empruntant les belles invocations du Cantique des créatures de saint François, Laudato si s’inscrit d’emblée dans la lignée franciscaine, louant les beautés de la nature, notre maison commune, notre sœur, avec laquelle nous partageons notre existence. « Loué sois-tu mon seigneur pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe », chantait hier François d’Assise.
Cinq après la publication de Laudato si’, le souverain pontife réaffirme son engagement en faveur de «l’écologie intégrale». Dans un «document interdicastériel», mis en ligne jeudi 18 juin, la cité-Etat du Vatican livre un mode d’emploi de l’encyclique publiée en 2015.
En 200 pages, le Saint-Siège appelle les croyants à se convertir à l’écologie intégrale. Ce qui implique de «prendre soin de la vie et de la création», de dialoguer «avec l’autre», et de prendre conscience de l’interaction entre les «problèmes du monde». «Il est donc suggéré de renforcer des initiatives ponctuelles pour sensibiliser au thème de l’écologie, mais aussi de transformer les styles de vie en profondeur», résume Isabella Piro de Vatican News.
Cette transformation pourra être accélérée, explique le document, grâce à une meilleure formation à l’écologie des citoyens. A cet égard, Sur le chemin du soin de la maison commune appelle l’école à former à la «citoyenneté écologique». L’université est encouragée à diriger les étudiants dans des «professions qui facilitent un changement environnemental positif ».
Rappelant que le Pape considère le gaspillage alimentaire comme un vol de nourriture aux pauvres, le document fait la promotion «d’une agriculture diversifiée et durable». Si possible pratiquée par de petits producteurs économes des ressources naturelles. Le texte condamne l’accaparement des terres et les grands projets agro-industriels qui vont avec. Il se montre aussi critique envers la privatisation du service de l’eau.
Le gouvernement de l’église catholique estime que toutes les orientations économiques doivent viser l’allègement de l’empreinte écologique. Ce qui implique notamment une baisse drastique des subventions aux énergies fossiles, à une tarification des émissions de carbone et au développement des énergies renouvelables.
Pour minorer les effets du réchauffement, le Vatican propose d’engager d’importants programmes de reforestation, de développer des modèles économiques bas carbone. Rome soutient aussi le projet de création d’un statut de réfugié climatique.
Le christianisme a parfois été accusé d’être responsable de la crise écologique. L’historien américain Lynn White, dans une conférence prononcée en 1966 et publiée dans la prestigieuse revue Science en parlait même comme de la « religion la plus anthropocentrique qui soit ». En modifiant de manière radicale la relation de l’homme au monde, il aurait ouvert la porte à une « relation d’emprise » et de prédation sur la nature grâce à la science et à la technique.
Se convertir à l’écologie, ça veut dire quoi ?
Dans un geste défensif, cette thèse est parfois balayée d’un simple revers de main. Elle mérite pourtant d’être examinée de près. C’est ce que propose faire François Euvé dans cette Théologie de l’écologie dans laquelle il se demande, au final, si le christianisme est compatible avec une vision écologique du monde.
La bénédiction de Prométhée
Le jésuite, directeur de la revue Études, commence par plonger dans l’histoire des idées. « Il serait faux de prétendre disjoindre toute relation entre le christianisme et l’élaboration au XVIIe siècle d’un nouveau rapport à la nature dans laquelle l’homme bénéficie d’une position de domination », conclut-il. Mais la thèse de White lui apparaît trop unilatérale. Elle ne tient pas assez compte de la complexité et de la diversité des liens des chrétiens à la nature et à la technique. Car si des clercs ont effectivement « béni Prométhée », d’autres ont opposé une résistance, parfois violente, à l’implantation de techniques modernes.
→ À LIRE. Au sommet pour le climat, la voix singulière du pape pour une « écologie intégrale »
Mais quid de la théologie ? A-telle vraiment favorisé une conception prédatrice sur le monde ? François Euvé repère trois étapes dans l’élaboration d’une théologie de la création : une période patristique, « résolument théocentrique » et « modérément anthropocentrique »où émerge la notion de création « à partir de rien » ; la période médiévale qui renoue avec la pensée grecque, notamment Aristote, pour reprendre la question du cosmos ; le début des temps modernes, dans un contexte où la pensée chrétienne cherche à défendre la nécessité de la référence à Dieu qui tend à s’estomper, où l’on déploie « une’théologie naturelle’ au risque de paraître minimiser la liberté humaine en réaction aux courants des Lumières qui l’exaltent ».
Une cosmologie mécanique
Mais, pour ne pas revenir au paganisme cosmocentrique de l’Antiquité, la théologie se sentira « plus proche d’une cosmologie mécanique d’inspiration cartésienne et pourra être vue, avec le recul de quelques siècles, comme le complice de l’attitude prédatrice »,explique le jésuite qui précise aussitôt que là encore, le christianisme est divers : la vision mécanique du monde ne « représente qu’une interprétation particulière de la notion chrétienne de création qui met l’accent sur la nette différence entre l’ordre humain et l’ordre naturel, le premier étant invité à dominer le second ».
Et depuis la fin des années 1960, la recherche théologique (Paul Santmire et Jürgen Moltmann du côté protestant, Leonardo Boff et Adolphe Gesché du côté catholique, pour ne citer qu’eux) a clairement montré que le christianisme n’est pas intrinsèquement prédateur. Bien au contraire, il offre même une vision écologique du monde.
« Églises et écologie. Une révolution à reculons », les raisons d’une faible influence
Après ces détours par l’histoire, François Euvé se propose de reprendre à nouveaux frais l’élaboration d’une théologie de la création à partir de ses racines bibliques, sans négliger la « nouvelle création » annoncée dans l’Apocalypse. Un regard vers l’avenir bien utile pour traverser dans l’espérance un temps où les prophètes du catastrophisme ont pignon sur rue.
La Croix du 31 janvier 2021