LEON XIV

Habemus papam !
Les fidèles catholiques varois se réjouissent de cette grande nouvelle, car oui, après un conclave de 24 heures, nous avons un pape.
Je suis heureux de l’élection de mon frère Robert-François comme successeur de saint Pierre et je lui adresse mes chaleureuses félicitations et l’assurance de mon soutien et de ma prière. Cela me touche car je l’ai rencontré à plusieurs reprises pour préparer ma nomination à Fréjus-Toulon, et depuis mon arrivée dans le Var pour faire le point avec lui, toujours en parlant anglais.
Apôtre de l’évangile et artisan de paix, il aura, comme ses prédécesseurs Jean-Paul II, Benoit XVI et bien sûr François, à relever les défis de ce monde, de la cause des plus fragiles à la poursuite de la nouvelle évangélisation, de l’unité de l’Église au maintien du dialogue inter-religieux.
Dans les pas de l’apôtre saint Pierre et à la suite du Christ, Bon Pasteur, il conduira notre Église pour les années à venir, diffusant les messages universels de Foi, d’Amour et de Justice, et mobilisant tous ses membres pour participer à sa mission.
C’est dans la confiance et l’espérance de cette année sainte qui voit l’élection du pape Léon XIV que je prie pour Sa Sainteté et pour son pontificat.
+ Mgr François TOUVET
Le cardinal américain Robert Prevost, 69 ans, a été élu pape ce jeudi 8 mai 2025 à 18 h 08. Ce religieux augustin a longtemps été missionnaire au Pérou avant d’être appelé à Rome par François, en 2023, comme préfet du dicastère pour les évêques. En le choisissant, les cardinaux confirment le choix d’une Église ouverte, multiculturelle et missionnaire.
Américain de naissance, Robert Prevost est issu d’un père d’origine franco-italienne et d’une mère d’origine espagnole, qui a passé une bonne partie de sa vie comme missionnaire au Pérou avant d’être supérieur de son ordre religieux à Rome. Voilà, en quelques mots, le parcours, exemplaire de l’Église multiculturelle chère au pape François, de celui que les cardinaux réunis en conclave ont élu le 267e pape.
Arrivé depuis seulement deux ans à Rome, cardinal depuis septembre 2023, il ne figurait pas dans les favoris des vaticanistes. Le cardinal Prevost cultive en effet la discrétion et, ces derniers jours, pour éviter les journalistes alpaguant à la grille du Saint-Office les cardinaux se rendant aux congrégations générales, il prenait une anonyme petite voiture pour faire les quelques centaines de mètres reliant la curie des augustins, où il vit, à la salle du Synode.
Participant à la plupart des nominations épiscopales dans le monde depuis qu’il a pris la tête du dicastère pour les évêques en avril 2023, ce polyglotte – outre l’anglais, Robert Prevost parle le français, l’italien, l’espagnol et le portugais et lit le latin ainsi que l’allemand – est pourtant un de ceux qui, à la Curie, portent sur l’Église catholique un des regards les plus larges et universels, fruit d’une expérience pastorale riche et diverse.
Missionnaire au Pérou
Né à Chicago (nord des États-Unis) en 1955, entré en 1977 dans l’ordre de saint Augustin, Robert Francis Prevost a étudié les mathématiques et la philosophie à l’université Villanova, près de Philadelphie (est), puis la théologie à la Catholic Theological Union de Chicago et enfin le droit canonique à l’Angelicum à Rome.
Ordonné prêtre en 1982, à Rome, par l’archevêque belge Jean Jadot, ancien nonce aux États-Unis et figure progressiste de la Curie sous Paul VI et Jean-Paul II, il est envoyé dès 1985 au Pérou, comme missionnaire dans la prélature de Chulucanas (Nord-Ouest), confiée aux augustins dans les contreforts des Andes. Il y achèvera en 1986 son doctorat de droit canonique, avec une thèse sur le rôle du prieur local dans son ordre.
De retour en 1988 à Chicago, comme responsable des vocations et des missions de la province augustine du Midwest, le père Prevost repart l’année suivante au Pérou, cette fois à Trujillo, la grande ville du nord du pays, où, pendant près de dix ans, il s’occupe de la formation des religieux. Élu provincial du Midwest en 1999, il ne reste que deux ans et demi en poste, avant d’être élu en 2001 prieur général de l’ordre de saint Augustin.
Évêque dans une Église péruvienne divisée
De ces douze années romaines (il sera réélu en 2007 après vingt minutes d’élection, la plus rapide de l’histoire de l’ordre), il dit avoir beaucoup appris de ses rencontres. « Des personnes différentes peuvent grandement améliorer notre vie, racontait-il en 2023 dans un entretien sur le site de son ordre. Le fait d’avoir une communauté riche construite sur la capacité de partager avec les autres ce qui nous arrive, d’être ouvert aux autres a été l’un des plus grands cadeaux que j’ai reçus dans cette vie. »
De retour en 2013 à Chicago, il n’y reste qu’une année, vite renvoyé au Pérou comme administrateur apostolique, puis évêque de Chiclayo, un autre diocèse andin, proche de Chulucanas. Divisée entre des tendances très opposées, l’Église péruvienne traverse alors une période délicate, et Rome préfère alors nommer un évêque étranger.
Vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne en 2018, Mgr Prevost sera aux premières loges du scandale Sodalicio, un puissant mouvement ultra-conservateur accusé de nombreux abus. Il continuera à suivre l’affaire après sa nomination à Rome, et jusqu’à la dissolution de Sodalicio par François, en janvier dernier, une des dernières décisions du défunt pape. Il participera ainsi au renvoi de Mgr José Antonio Eguren, son ancien archevêque métropolitain de Piura, membre de Sodalicio et reconnu coupable de complicité dans le scandale.
Abus sexuels : « Il a agi plus que la moyenne des évêques latino-américains »
Cette attitude lui vaudra la tenace rancune du mouvement, dont un des membres l’accusera d’avoir couvert des abus dans son diocèse de Chiclayo, alors que la procédure avait été classée, faute de preuves, tant par la justice péruvienne que par la Congrégation pour la doctrine de la foi à qui il avait transmis les dossiers. « Ils l’ont persécuté en représailles », assure Paola Ugaz, la journaliste à l’origine de l’enquête sur Sodalicio, selon qui Mgr Prevost fut l’un des rares évêques péruviens à soutenir les victimes.
« Il a agi, et certainement plus que la moyenne des évêques latino-américains », affirme pour sa part dans l’hebdomadaire américain Our Sunday Visitor le sociologue mexicain Rodolfo Soriano-Nuñez, spécialiste des violences sexuelles dans le clergé en Amérique latine, décrivant la prévention mise en place dans le diocèse de Chiclayo.
« C’est un homme de foi, prudent, doté d’un grand amour pour l’Église et d’un profond sens des responsabilités dans le discernement des candidats à l’épiscopat et soucieux d’approfondir les situations problématiques qui pourraient constituer un empêchement à une nomination », confie sœur Yvonne Reungoat, ancienne supérieure générale des Salésiennes de Don Bosco et une des trois premières femmes nommées membre du dicastère pour les évêques par François.
« Très à l’écoute »
Pour autant, le nouveau pape se garde de trop focaliser le message de l’Église sur la morale et la doctrine. « Nous sommes souvent préoccupés par l’enseignement de la doctrine, la manière de vivre notre foi, mais nous risquons d’oublier que notre première mission est d’enseigner ce que signifie connaître Jésus-Christ et de témoigner de notre proximité avec le Seigneur, confiait-il en 2023 à Vatican News. La première chose à faire est de communiquer la beauté de la foi, la beauté et la joie de connaître Jésus. »
« Il faut arrêter de se cacher derrière une idée de l’autorité qui n’a plus de sens aujourd’hui », réclamait aussi Mgr Prevost, soucieux de « passer d’une expérience où l’autorité parle et tout est fait, à une expérience ecclésiale qui valorise les charismes, les dons et les ministères présents dans l’Église ».
« C’est un homme serein, très à l’écoute et respectueux de la parole des membres du dicastère », abonde sœur Yvonne Reungoat. « Qui sait affronter les problèmes de façon pragmatique », ajoute une autre personne qui a travaillé avec lui.
Méfiant envers toute prise de position idéologique
Méfiant vis-à-vis de toute prise de position idéologique dans l’Église, le cardinal Prevost s’est attaché, au cours de ces deux années à Rome, à éviter les coteries, entretenant de bonnes relations tant dans les milieux progressistes que conservateurs. Il sera ainsi de ceux qui auront apaisé les relations entre la Curie et l’Église d’Allemagne à propos de son Chemin synodal.
« Les divisions et les polémiques dans l’Église ne servent à rien », assurait à Vatican News celui qui, en digne fils de saint Augustin, insistait sur l’unité de l’Église. « Un véritable défi, surtout lorsque la polarisation est devenue le mode de fonctionnement d’une société qui, au lieu de rechercher l’unité comme principe fondamental, va plutôt d’un extrême à l’autre », développait-il aux augustins, refusant de « confondre l’unité avec l’uniformité », tout autant que la diversité avec le fait de « vivre sans critères ni ordre ».
« Il s’agit là de positions idéologiques, soulignait celui qui a désormais la charge de l’unité de l’Église. Lorsqu’une idéologie devient le maître de ma vie, je ne peux plus dialoguer ou m’engager avec une autre personne parce que j’ai déjà décidé de la façon dont les choses se passeront. Cela rend évidemment très difficile le fait d’être Église, d’être communauté, d’être frères et sœurs. »
Repères
Robert Prevost en dix dates
14 septembre 1955. Naissance à Chicago (Illinois).
- Entré au noviciat des Augustins, chez qui il prononce ses vœux solennels le 29 août 1981.
19 juin 1982. Ordonné prêtre par Mgr Jean Jadot, pro-président du secrétariat pour les non-croyants.
1985-1986 et 1989-1998. Missionnaire au Pérou.
- Provincial du Midwest.
2001-2013. Prieur général de l’ordre de saint Augustin.
- Administrateur apostolique puis évêque de Chiclayo (Pérou).
- Vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne.
- Préfet du dicastère pour les évêques et créé cardinal en septembre.
- Il est élu pape et prend le nom de Léon XIV
Léon XIV : découvrez le texte intégral du premier discours du pape.
La paix soit avec vous tous !
Frères et sœurs bien-aimés, ceci est le premier salut du Christ ressuscité, le bon pasteur qui a donné sa vie pour le troupeau de Dieu. Moi aussi, je voudrais que ce salut de paix pénètre votre cœur, qu’il rejoigne vos familles, toutes les personnes, où qu’elles soient, tous les peuples, toute la terre. La paix soit avec vous !
C’est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée et désarmante, humble et persévérante. Elle vient de Dieu, Dieu qui nous aime tous inconditionnellement. Nous avons encore en tête cette voix faible mais toujours courageuse du pape François qui bénissait Rome !
Le pape qui bénissait Rome bénissait le monde entier, ce matin du jour de Pâques. Permettez-moi de prolonger cette bénédiction : Dieu nous aime, Dieu vous aime tous, et le mal ne triomphera pas ! Nous sommes tous dans les mains de Dieu. Alors, sans peur, unis main dans la main avec Dieu et entre nous, avançons. Nous sommes des disciples du Christ. Le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L’humanité a besoin de Lui, comme d’un pont pour être rejointe par Dieu et son amour.
« Merci au pape François ! »
Aidez-nous, aidez-vous les uns les autres à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant pour être un seul peuple toujours en paix. Merci au pape François !
Je veux aussi remercier tous les frères cardinaux qui m’ont choisi comme successeur de Pierre, pour marcher avec vous, en Église unie, cherchant toujours la paix, la justice, en travaillant toujours comme hommes et femmes fidèles à Jésus-Christ, sans peur, pour proclamer l’Évangile, pour être missionnaires.
Je suis un fils de saint Augustin, un augustin, qui disait : « Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque. » C’est dans ce sens que nous pouvons tous marcher ensemble vers cette patrie que Dieu nous a préparée.
Un salut spécial à l’Église de Rome ! Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire, une Église qui construit des ponts, qui dialogue, toujours ouverte à accueillir, comme cette place aux bras ouverts. Tous, tous ceux qui ont besoin de notre charité, de notre présence, du dialogue et de l’amour.
« Prions pour la paix dans le monde »
(En espagnol) Et si vous me le permettez, un mot, un salut à tous, et en particulier à mon cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque, a partagé sa foi et a tant donné, tant donné pour continuer à être une Église fidèle de Jésus-Christ.
(En italien) À vous tous, frères et sœurs de Rome, d’Italie, et du monde entier, nous voulons être une Église synodale, une Église en chemin, une Église qui cherche toujours la paix, la charité, qui veut toujours être proche, surtout de ceux qui souffrent.
Aujourd’hui est le jour de la Supplication à la Vierge de Pompéi. Notre Mère Marie veut toujours marcher avec nous, rester proche, nous aider par son intercession et son amour.
Alors, je voudrais prier avec vous. Prions ensemble pour cette nouvelle mission, pour toute l’Église, pour la paix dans le monde, et demandons cette grâce particulière à Marie, notre Mère.
Je vous salue Marie…
« La mission est urgente » : le texte complet de la première homélie du pape Léon XIV.
Léon XIV a présidé une messe avec les cardinaux dans la chapelle Sixtine, vendredi 9 mai 2025, au lendemain de son élection comme nouveau pape. Découvrez la première homélie du 267e pape de l’Église catholique.
Je commence avec un mot en anglais, et le reste en italien. Mais je veux répéter les paroles tirées du psaume : « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles. » Et en effet, pas seulement avec moi, mais avec chacun de nous, mes frères cardinaux. Alors que nous célébrons ce matin, je vous invite à reconnaître les merveilles que le Seigneur a faites, la bénédiction que le Seigneur continue à répandre sur nous tous. Au ministère de Pierre, vous m’avez appelé à porter cette croix et à être béni dans cette mission. Et je sais que je peux compter sur vous pour marcher avec moi en continuant, en Église, comme communauté d’amis de Jésus, comme croyants, pour annoncer la Bonne Nouvelle, pour annoncer l’Évangile.
Pour dire : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Par ces paroles, Pierre, interrogé avec les autres disciples par le Maître sur la foi qu’il a en Lui, exprime en synthèse le patrimoine que l’Église, à travers la succession apostolique, garde, approfondit et transmet depuis deux mille ans. Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, c’est-à-dire l’unique Sauveur et le révélateur du visage du Père.
En Lui, Dieu, pour se faire proche et accessible aux hommes, s’est révélé à nous dans les yeux confiants d’un enfant, dans l’esprit éveillé d’un adolescent, dans les traits mûrs d’un homme (cf. CONC. VAT. II, Const. Past. Gaudium et spes, n. 22), jusqu’à apparaître aux siens, après sa résurrection, dans son corps glorieux. Il nous a ainsi montré un modèle d’humanité sainte que nous pouvons tous imiter, avec la promesse d’une destinée éternelle qui dépasse toutes nos limites et toutes nos capacités.
Dans sa réponse, Pierre saisit ces deux aspects : le don de Dieu et le chemin à parcourir pour se laisser transformer, dimensions indissociables du salut, confiées à l’Église afin qu’elle les annonce pour le bien du genre humain. Confiés à nous, choisis par Lui avant même que nous ayons été formés dans le sein de notre mère (cf. Jr 1, 5), régénérés dans l’eau du Baptême et, au-delà de nos limites et sans aucun mérite de notre part, conduits ici et envoyés d’ici, afin que l’Évangile soit annoncé à toute créature (cf. Mc 16, 15).
Phare qui éclaire les nuits du monde
En particulier, Dieu, en m’appelant par votre vote à succéder au Premier des Apôtres, me confie ce trésor afin que, avec son aide, j’en sois le fidèle administrateur (cf. 1 Co 4, 2) au profit de tout le Corps mystique de l’Église, de sorte qu’elle soit toujours plus la ville placée sur la montagne (cf. Ap 21, 10), l’arche du salut qui navigue sur les flots de l’histoire, phare qui éclaire les nuits du monde. Et cela, non pas tant grâce à la magnificence de ses structures ou à la grandeur de ses constructions – comme les édifices dans lesquels nous nous trouvons –, mais à travers la sainteté de ses membres, de ce « peuple que Dieu s’est acquis pour proclamer les œuvres admirables de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9).
Cependant, en amont de la conversation où Pierre fait sa profession de foi, il y a aussi une autre question : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). Ce n’est pas une question anodine, elle touche en effet à un aspect important de notre ministère : la réalité dans laquelle nous vivons, avec ses limites et ses potentialités, ses questions et ses convictions.
« Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). En pensant à la scène sur laquelle nous réfléchissons, nous pourrions trouver deux réponses possibles à cette question qui dessinent deux attitudes différentes.
Il y a tout d’abord la réponse du monde. Matthieu souligne que la conversation entre Jésus et ses disciples sur son identité se déroule dans la belle ville de Césarée de Philippe, riche en palais luxueux, nichée dans un cadre naturel enchanteur, au pied de l’Hermon, mais aussi siège de cercles de pouvoir cruels et théâtre de trahisons et d’infidélités. Cette image nous parle d’un monde qui considère Jésus comme une personne totalement insignifiante, tout au plus un personnage curieux, qui peut susciter l’émerveillement par sa manière inhabituelle de parler et d’agir. Ainsi, lorsque sa présence deviendra gênante en raison de son exigence d’honnêteté et de moralité, ce « monde » n’hésitera pas à le rejeter et à l’éliminer.
Il y a ensuite une autre réponse possible à la question de Jésus : celle du peuple. Pour lui, le Nazaréen n’est pas un « charlatan » : c’est un homme droit, courageux, qui parle bien et dit des choses justes, comme d’autres grands prophètes de l’histoire d’Israël. C’est pourquoi il le suit, du moins tant qu’il peut le faire sans trop de risques ni d’inconvénients. Mais ce n’est qu’un homme, et donc, au moment du danger, lors de la Passion, il l’abandonne et s’en va, déçu.
La mission est urgente
Ce qui frappe dans ces deux attitudes, c’est leur actualité. Elles incarnent en effet des idées que l’on pourrait facilement retrouver – peut-être exprimées dans un langage différent, mais identiques dans leur substance – dans la bouche de nombreux hommes et femmes de notre temps.
Aujourd’hui encore, nombreux sont les contextes où la foi chrétienne est considérée comme absurde, réservée aux personnes faibles et peu intelligentes ; des contextes où on lui préfère d’autres certitudes, comme la technologie, l’argent, le succès, le pouvoir, le plaisir.
Il s’agit d’environnements où il n’est pas facile de témoigner et d’annoncer l’Évangile, et où ceux qui croient sont ridiculisés, persécutés, méprisés ou, au mieux, tolérés et pris en pitié. Et pourtant, c’est précisément pour cette raison que la mission est urgente en ces lieux, car le manque de foi entraîne souvent des drames tels que la perte du sens de la vie, l’oubli de la miséricorde, la violation de la dignité de la personne sous ses formes les plus dramatiques, la crise de la famille et tant d’autres blessures dont notre société souffre considérablement.
Aujourd’hui encore, il existe des contextes où Jésus, bien qu’apprécié en tant qu’homme, est réduit à une sorte de leader charismatique ou de super-homme, et cela non seulement chez les non-croyants, mais aussi chez nombre de baptisés qui finissent ainsi par vivre, à ce niveau, dans un athéisme de fait.
Témoigner de la foi joyeuse en Jésus
Tel est le monde qui nous est confié, dans lequel, comme nous l’a enseigné à maintes reprises le pape François, nous sommes appelés à témoigner de la foi joyeuse en Jésus Sauveur. C’est pourquoi, pour nous aussi, il est essentiel de répéter : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16).
Il est essentiel de le faire avant tout dans notre relation personnelle avec Lui, dans l’engagement d’un chemin quotidien de conversion. Mais aussi, en tant qu’Église, en vivant ensemble notre appartenance au Seigneur et en apportant à tous la Bonne Nouvelle (cf. CONC. VAT. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1).
Je le dis tout d’abord pour moi-même, en tant que Successeur de Pierre, alors que je commence ma mission d’Évêque de l’Église qui est à Rome, appelée à présider dans la charité l’Église universelle, selon la célèbre expression de saint Ignace d’Antioche (cf. Lettre aux Romains, Prologue). Conduit enchaîné vers cette ville, lieu de son sacrifice imminent, il écrivait aux chrétiens qui s’y trouvaient : « Alors je serai vraiment disciple de Jésus-Christ, quand le monde ne verra plus mon corps » (Lettre aux Romains 4, 1). Il faisait référence au fait d’être dévoré par les bêtes sauvages dans le cirque – et c’est ce qui arriva –, mais ses paroles renvoient de manière plus générale à un engagement inconditionnel pour quiconque exerce un ministère d’autorité dans l’Église : disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu’Il soit connu et glorifié (cf. Jn 3, 30), se dépenser jusqu’au bout pour que personne ne manque l’occasion de Le connaître et de L’aimer.
Que Dieu m’accorde cette grâce, aujourd’hui et toujours, avec l’aide de la très tendre intercession de Marie, Mère de l’Église.
Homélie de la messe d’inauguration du pape Léon XIV
Chers frères Cardinaux,
Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
distinguées autorités et membres du Corps diplomatique,
Salutations aux pèlerins venus pour le Jubilé des Confréries !
frères et sœurs,
C’est avec un cœur plein de gratitude que je vous salue tous au début du ministère qui m’a été confié. Saint Augustin écrivait : « Tu nous avez faits pour Toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi » (Les Confessions, 1.1.1).
Ces derniers jours, nous avons vécu un moment particulièrement intense. La mort du pape François a rempli nos cœurs de tristesse et, dans ces heures difficiles, nous nous sommes sentis comme ces foules dont l’Évangile dit qu’elles étaient « comme des brebis sans berger » (cf. Mt 9, 36). Le jour de Pâques, cependant, nous avons reçu sa dernière bénédiction et, à la lumière de la résurrection, nous avons affronté ce moment dans la certitude que le Seigneur n’abandonne jamais son peuple, qu’il le rassemble lorsqu’il est dispersé et qu’il le « garde comme un berger son troupeau » (Jr 31, 10).
Dans cet esprit de foi, le Collège des cardinaux s’est réuni pour le Conclave ; issus d’histoires et de parcours différents, nous avons remis entre les mains de Dieu le désir d’élire le nouveau successeur de Pierre, l’Évêque de Rome, un pasteur capable de garder le riche héritage de la foi chrétienne et, en même temps, de jeter son regard au loin pour répondre aux questions, aux inquiétudes et aux défis d’aujourd’hui. Accompagnés par votre prière, nous avons senti l’action de l’Esprit Saint qui a su accorder les différents instruments de musique en faisant vibrer les cordes de nos cœurs en une mélodie unique.
J’ai été choisi sans aucun mérite et, avec crainte et tremblements, je viens à vous comme un frère qui veut se faire le serviteur de votre foi et de votre joie, en marchant avec vous sur le chemin de l’amour de Dieu, qui veut que nous soyons tous unis en une seule famille.
Amour et Unité : ce sont les deux dimensions de la mission confiée à Pierre par Jésus.
C’est ce que nous raconte le passage de l’Évangile qui nous conduit au lac de Tibériade, là même où Jésus avait commencé la mission reçue du Père : “pêcher” l’humanité pour la sauver des eaux du mal et de la mort. En passant sur la rive de ce lac, il avait appelé Pierre et les autres premiers disciples à être comme Lui « pêcheurs d’hommes » et désormais, après la résurrection, c’est à eux de poursuivre cette mission, de jeter le filet encore et encore pour plonger dans les eaux du monde l’espérance de l’Évangile, de naviguer sur la mer de la vie pour que tous puissent se retrouver dans l’étreinte de Dieu.
Comment Pierre peut-il s’acquitter de cette tâche ? L’Évangile nous dit que cela n’est possible que parce qu’il a expérimenté dans sa propre vie l’amour infini et inconditionnel de Dieu, y compris à l’heure de l’échec et du reniement. C’est pourquoi, lorsque Jésus s’adresse à Pierre, l’Évangile utilise le verbe grec agapao, qui se réfère à l’amour que Dieu a pour nous, à son offrande sans réserve et sans calcul, différent de celui utilisé pour la réponse de Pierre, qui décrit plutôt l’amour de l’amitié, que nous avons entre nous.
Lorsque Jésus demande à Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (Jn 21, 16), il fait donc référence à l’amour du Père. C’est comme si Jésus lui disait : ce n’est que si tu as connu et expérimenté cet amour de Dieu, qui ne manque jamais, que tu pourras paître mes agneaux ; ce n’est que dans l’amour de Dieu le Père que tu pourras aimer tes frères un « encore plus », c’est-à-dire en offrant ta vie pour tes frères.
À Pierre est donc confiée la tâche « d’aimer davantage » et de donner sa vie pour le troupeau. Le ministère de Pierre est précisément marqué par cet amour oblatif, car l’Église de Rome préside à la charité et sa véritable autorité est la charité du Christ. Il ne s’agit jamais d’emprisonner les autres par la domination, la propagande religieuse ou les moyens du pouvoir, mais il s’agit toujours et uniquement l’aimer comme Jésus l’a fait.
Lui – affirme l’apôtre Pierre lui-même – « est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle » (Ac 4, 11). Et si la pierre est le Christ, Pierre doit paître le troupeau sans jamais céder à la tentation d’être un meneur solitaire ou un chef placé au-dessus des autres, se faisant maître des personnes qui lui sont confiées (cf. 1 P 5, 3). Au contraire, il lui est demandé de servir la foi de ses frères, en marchant avec eux : en effet, nous sommes tous constitués « pierres vivantes » (1 P 2, 5), appelés par notre baptême à construire l’édifice de Dieu dans la communion fraternelle, dans l’harmonie de l’Esprit, dans la coexistence des diversités. Comme l’affirme saint Augustin : « L’Église est constituée de tous ceux qui sont en accord avec leurs frères et qui aiment leur prochain » (Discours 359, 9).
Cela frères et sœurs, je voudrais que ce soit notre premier grand désir : une Église unie, signe d’unité et de communion, qui devienne ferment pour un monde réconcilié .
À notre époque, nous voyons encore trop de discorde, trop de blessures causées par la haine, la violence, les préjugés, la peur de l’autre, par un paradigme économique qui exploite les ressources de la Terre et marginalise les plus pauvres. Et nous voulons être, au cœur de cette pâte, un petit levain d’unité, de communion, de fraternité. Nous voulons dire au monde, avec humilité et joie : regardez le Christ ! Approchez-vous de Lui ! Accueillez sa Parole qui illumine et console ! Écoutez sa proposition d’amour pour devenir son unique famille : dans l’unique Christ, nous sommes un. Et c’est la route à parcourir ensemble, entre nous, mais aussi avec les Églises chrétiennes sœurs, avec ceux qui suivent d’autres chemins religieux, avec ceux qui cultivent l’inquiétude de la recherche de Dieu, avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, pour construire un monde nouveau où règne la paix !
Tel est l’esprit missionnaire qui doit nous animer, sans nous enfermer dans notre petit groupe ni nous sentir supérieurs au monde ; nous sommes appelés à offrir à tous l’amour de Dieu, afin que se réalise cette unité qui n’efface pas les différences, mais valorise l’histoire personnelle de chacun et la culture sociale et religieuse de chaque peuple.
Frères et sœurs, c’est l’heure de l’amour ! La charité de Dieu qui fait de nous des frères est au cœur de l’Évangile et, avec mon prédécesseur Léon XIII, aujourd’hui, nous pouvons nous demander si on ne verrait pas « l’apaisement se faire à bref délai, si ces enseignements pouvaient prévaloir dans les sociétés ? » (Lett enc. Rerum Novarum, n. 21)
Avec la lumière et la force du Saint Esprit, construisons une Église fondée sur l’amour de Dieu et signe d’unité, une Église missionnaire, qui ouvre les bras au monde, annonce la Parole, se laisse interpeller par l’histoire et devient un levain d’unité pour l’humanité.
Ensemble, comme un seul peuple, comme des frères tous, marchons vers Dieu et aimons-nous les uns les autres.
Publié le 15 mai 2025
LEON XIV
Habemus papam !
Les fidèles catholiques varois se réjouissent de cette grande nouvelle, car oui, après un conclave de 24 heures, nous avons un pape.
Je suis heureux de l’élection de mon frère Robert-François comme successeur de saint Pierre et je lui adresse mes chaleureuses félicitations et l’assurance de mon soutien et de ma prière. Cela me touche car je l’ai rencontré à plusieurs reprises pour préparer ma nomination à Fréjus-Toulon, et depuis mon arrivée dans le Var pour faire le point avec lui, toujours en parlant anglais.
Apôtre de l’évangile et artisan de paix, il aura, comme ses prédécesseurs Jean-Paul II, Benoit XVI et bien sûr François, à relever les défis de ce monde, de la cause des plus fragiles à la poursuite de la nouvelle évangélisation, de l’unité de l’Église au maintien du dialogue inter-religieux.
Dans les pas de l’apôtre saint Pierre et à la suite du Christ, Bon Pasteur, il conduira notre Église pour les années à venir, diffusant les messages universels de Foi, d’Amour et de Justice, et mobilisant tous ses membres pour participer à sa mission.
C’est dans la confiance et l’espérance de cette année sainte qui voit l’élection du pape Léon XIV que je prie pour Sa Sainteté et pour son pontificat.
+ Mgr François TOUVET
Le cardinal américain Robert Prevost, 69 ans, a été élu pape ce jeudi 8 mai 2025 à 18 h 08. Ce religieux augustin a longtemps été missionnaire au Pérou avant d’être appelé à Rome par François, en 2023, comme préfet du dicastère pour les évêques. En le choisissant, les cardinaux confirment le choix d’une Église ouverte, multiculturelle et missionnaire.
Américain de naissance, Robert Prevost est issu d’un père d’origine franco-italienne et d’une mère d’origine espagnole, qui a passé une bonne partie de sa vie comme missionnaire au Pérou avant d’être supérieur de son ordre religieux à Rome. Voilà, en quelques mots, le parcours, exemplaire de l’Église multiculturelle chère au pape François, de celui que les cardinaux réunis en conclave ont élu le 267e pape.
Arrivé depuis seulement deux ans à Rome, cardinal depuis septembre 2023, il ne figurait pas dans les favoris des vaticanistes. Le cardinal Prevost cultive en effet la discrétion et, ces derniers jours, pour éviter les journalistes alpaguant à la grille du Saint-Office les cardinaux se rendant aux congrégations générales, il prenait une anonyme petite voiture pour faire les quelques centaines de mètres reliant la curie des augustins, où il vit, à la salle du Synode.
Participant à la plupart des nominations épiscopales dans le monde depuis qu’il a pris la tête du dicastère pour les évêques en avril 2023, ce polyglotte – outre l’anglais, Robert Prevost parle le français, l’italien, l’espagnol et le portugais et lit le latin ainsi que l’allemand – est pourtant un de ceux qui, à la Curie, portent sur l’Église catholique un des regards les plus larges et universels, fruit d’une expérience pastorale riche et diverse.
Missionnaire au Pérou
Né à Chicago (nord des États-Unis) en 1955, entré en 1977 dans l’ordre de saint Augustin, Robert Francis Prevost a étudié les mathématiques et la philosophie à l’université Villanova, près de Philadelphie (est), puis la théologie à la Catholic Theological Union de Chicago et enfin le droit canonique à l’Angelicum à Rome.
Ordonné prêtre en 1982, à Rome, par l’archevêque belge Jean Jadot, ancien nonce aux États-Unis et figure progressiste de la Curie sous Paul VI et Jean-Paul II, il est envoyé dès 1985 au Pérou, comme missionnaire dans la prélature de Chulucanas (Nord-Ouest), confiée aux augustins dans les contreforts des Andes. Il y achèvera en 1986 son doctorat de droit canonique, avec une thèse sur le rôle du prieur local dans son ordre.
De retour en 1988 à Chicago, comme responsable des vocations et des missions de la province augustine du Midwest, le père Prevost repart l’année suivante au Pérou, cette fois à Trujillo, la grande ville du nord du pays, où, pendant près de dix ans, il s’occupe de la formation des religieux. Élu provincial du Midwest en 1999, il ne reste que deux ans et demi en poste, avant d’être élu en 2001 prieur général de l’ordre de saint Augustin.
Évêque dans une Église péruvienne divisée
De ces douze années romaines (il sera réélu en 2007 après vingt minutes d’élection, la plus rapide de l’histoire de l’ordre), il dit avoir beaucoup appris de ses rencontres. « Des personnes différentes peuvent grandement améliorer notre vie, racontait-il en 2023 dans un entretien sur le site de son ordre. Le fait d’avoir une communauté riche construite sur la capacité de partager avec les autres ce qui nous arrive, d’être ouvert aux autres a été l’un des plus grands cadeaux que j’ai reçus dans cette vie. »
De retour en 2013 à Chicago, il n’y reste qu’une année, vite renvoyé au Pérou comme administrateur apostolique, puis évêque de Chiclayo, un autre diocèse andin, proche de Chulucanas. Divisée entre des tendances très opposées, l’Église péruvienne traverse alors une période délicate, et Rome préfère alors nommer un évêque étranger.
Vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne en 2018, Mgr Prevost sera aux premières loges du scandale Sodalicio, un puissant mouvement ultra-conservateur accusé de nombreux abus. Il continuera à suivre l’affaire après sa nomination à Rome, et jusqu’à la dissolution de Sodalicio par François, en janvier dernier, une des dernières décisions du défunt pape. Il participera ainsi au renvoi de Mgr José Antonio Eguren, son ancien archevêque métropolitain de Piura, membre de Sodalicio et reconnu coupable de complicité dans le scandale.
Abus sexuels : « Il a agi plus que la moyenne des évêques latino-américains »
Cette attitude lui vaudra la tenace rancune du mouvement, dont un des membres l’accusera d’avoir couvert des abus dans son diocèse de Chiclayo, alors que la procédure avait été classée, faute de preuves, tant par la justice péruvienne que par la Congrégation pour la doctrine de la foi à qui il avait transmis les dossiers. « Ils l’ont persécuté en représailles », assure Paola Ugaz, la journaliste à l’origine de l’enquête sur Sodalicio, selon qui Mgr Prevost fut l’un des rares évêques péruviens à soutenir les victimes.
« Il a agi, et certainement plus que la moyenne des évêques latino-américains », affirme pour sa part dans l’hebdomadaire américain Our Sunday Visitor le sociologue mexicain Rodolfo Soriano-Nuñez, spécialiste des violences sexuelles dans le clergé en Amérique latine, décrivant la prévention mise en place dans le diocèse de Chiclayo.
« C’est un homme de foi, prudent, doté d’un grand amour pour l’Église et d’un profond sens des responsabilités dans le discernement des candidats à l’épiscopat et soucieux d’approfondir les situations problématiques qui pourraient constituer un empêchement à une nomination », confie sœur Yvonne Reungoat, ancienne supérieure générale des Salésiennes de Don Bosco et une des trois premières femmes nommées membre du dicastère pour les évêques par François.
« Très à l’écoute »
Pour autant, le nouveau pape se garde de trop focaliser le message de l’Église sur la morale et la doctrine. « Nous sommes souvent préoccupés par l’enseignement de la doctrine, la manière de vivre notre foi, mais nous risquons d’oublier que notre première mission est d’enseigner ce que signifie connaître Jésus-Christ et de témoigner de notre proximité avec le Seigneur, confiait-il en 2023 à Vatican News. La première chose à faire est de communiquer la beauté de la foi, la beauté et la joie de connaître Jésus. »
« Il faut arrêter de se cacher derrière une idée de l’autorité qui n’a plus de sens aujourd’hui », réclamait aussi Mgr Prevost, soucieux de « passer d’une expérience où l’autorité parle et tout est fait, à une expérience ecclésiale qui valorise les charismes, les dons et les ministères présents dans l’Église ».
« C’est un homme serein, très à l’écoute et respectueux de la parole des membres du dicastère », abonde sœur Yvonne Reungoat. « Qui sait affronter les problèmes de façon pragmatique », ajoute une autre personne qui a travaillé avec lui.
Méfiant envers toute prise de position idéologique
Méfiant vis-à-vis de toute prise de position idéologique dans l’Église, le cardinal Prevost s’est attaché, au cours de ces deux années à Rome, à éviter les coteries, entretenant de bonnes relations tant dans les milieux progressistes que conservateurs. Il sera ainsi de ceux qui auront apaisé les relations entre la Curie et l’Église d’Allemagne à propos de son Chemin synodal.
« Les divisions et les polémiques dans l’Église ne servent à rien », assurait à Vatican News celui qui, en digne fils de saint Augustin, insistait sur l’unité de l’Église. « Un véritable défi, surtout lorsque la polarisation est devenue le mode de fonctionnement d’une société qui, au lieu de rechercher l’unité comme principe fondamental, va plutôt d’un extrême à l’autre », développait-il aux augustins, refusant de « confondre l’unité avec l’uniformité », tout autant que la diversité avec le fait de « vivre sans critères ni ordre ».
« Il s’agit là de positions idéologiques, soulignait celui qui a désormais la charge de l’unité de l’Église. Lorsqu’une idéologie devient le maître de ma vie, je ne peux plus dialoguer ou m’engager avec une autre personne parce que j’ai déjà décidé de la façon dont les choses se passeront. Cela rend évidemment très difficile le fait d’être Église, d’être communauté, d’être frères et sœurs. »
Repères
Robert Prevost en dix dates
14 septembre 1955. Naissance à Chicago (Illinois).
- Entré au noviciat des Augustins, chez qui il prononce ses vœux solennels le 29 août 1981.
19 juin 1982. Ordonné prêtre par Mgr Jean Jadot, pro-président du secrétariat pour les non-croyants.
1985-1986 et 1989-1998. Missionnaire au Pérou.
- Provincial du Midwest.
2001-2013. Prieur général de l’ordre de saint Augustin.
- Administrateur apostolique puis évêque de Chiclayo (Pérou).
- Vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne.
- Préfet du dicastère pour les évêques et créé cardinal en septembre.
- Il est élu pape et prend le nom de Léon XIV
Léon XIV : découvrez le texte intégral du premier discours du pape.
La paix soit avec vous tous !
Frères et sœurs bien-aimés, ceci est le premier salut du Christ ressuscité, le bon pasteur qui a donné sa vie pour le troupeau de Dieu. Moi aussi, je voudrais que ce salut de paix pénètre votre cœur, qu’il rejoigne vos familles, toutes les personnes, où qu’elles soient, tous les peuples, toute la terre. La paix soit avec vous !
C’est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée et désarmante, humble et persévérante. Elle vient de Dieu, Dieu qui nous aime tous inconditionnellement. Nous avons encore en tête cette voix faible mais toujours courageuse du pape François qui bénissait Rome !
Le pape qui bénissait Rome bénissait le monde entier, ce matin du jour de Pâques. Permettez-moi de prolonger cette bénédiction : Dieu nous aime, Dieu vous aime tous, et le mal ne triomphera pas ! Nous sommes tous dans les mains de Dieu. Alors, sans peur, unis main dans la main avec Dieu et entre nous, avançons. Nous sommes des disciples du Christ. Le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L’humanité a besoin de Lui, comme d’un pont pour être rejointe par Dieu et son amour.
« Merci au pape François ! »
Aidez-nous, aidez-vous les uns les autres à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant pour être un seul peuple toujours en paix. Merci au pape François !
Je veux aussi remercier tous les frères cardinaux qui m’ont choisi comme successeur de Pierre, pour marcher avec vous, en Église unie, cherchant toujours la paix, la justice, en travaillant toujours comme hommes et femmes fidèles à Jésus-Christ, sans peur, pour proclamer l’Évangile, pour être missionnaires.
Je suis un fils de saint Augustin, un augustin, qui disait : « Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque. » C’est dans ce sens que nous pouvons tous marcher ensemble vers cette patrie que Dieu nous a préparée.
Un salut spécial à l’Église de Rome ! Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire, une Église qui construit des ponts, qui dialogue, toujours ouverte à accueillir, comme cette place aux bras ouverts. Tous, tous ceux qui ont besoin de notre charité, de notre présence, du dialogue et de l’amour.
« Prions pour la paix dans le monde »
(En espagnol) Et si vous me le permettez, un mot, un salut à tous, et en particulier à mon cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque, a partagé sa foi et a tant donné, tant donné pour continuer à être une Église fidèle de Jésus-Christ.
(En italien) À vous tous, frères et sœurs de Rome, d’Italie, et du monde entier, nous voulons être une Église synodale, une Église en chemin, une Église qui cherche toujours la paix, la charité, qui veut toujours être proche, surtout de ceux qui souffrent.
Aujourd’hui est le jour de la Supplication à la Vierge de Pompéi. Notre Mère Marie veut toujours marcher avec nous, rester proche, nous aider par son intercession et son amour.
Alors, je voudrais prier avec vous. Prions ensemble pour cette nouvelle mission, pour toute l’Église, pour la paix dans le monde, et demandons cette grâce particulière à Marie, notre Mère.
Je vous salue Marie…
« La mission est urgente » : le texte complet de la première homélie du pape Léon XIV.
Léon XIV a présidé une messe avec les cardinaux dans la chapelle Sixtine, vendredi 9 mai 2025, au lendemain de son élection comme nouveau pape. Découvrez la première homélie du 267e pape de l’Église catholique.
Je commence avec un mot en anglais, et le reste en italien. Mais je veux répéter les paroles tirées du psaume : « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles. » Et en effet, pas seulement avec moi, mais avec chacun de nous, mes frères cardinaux. Alors que nous célébrons ce matin, je vous invite à reconnaître les merveilles que le Seigneur a faites, la bénédiction que le Seigneur continue à répandre sur nous tous. Au ministère de Pierre, vous m’avez appelé à porter cette croix et à être béni dans cette mission. Et je sais que je peux compter sur vous pour marcher avec moi en continuant, en Église, comme communauté d’amis de Jésus, comme croyants, pour annoncer la Bonne Nouvelle, pour annoncer l’Évangile.
Pour dire : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Par ces paroles, Pierre, interrogé avec les autres disciples par le Maître sur la foi qu’il a en Lui, exprime en synthèse le patrimoine que l’Église, à travers la succession apostolique, garde, approfondit et transmet depuis deux mille ans. Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, c’est-à-dire l’unique Sauveur et le révélateur du visage du Père.
En Lui, Dieu, pour se faire proche et accessible aux hommes, s’est révélé à nous dans les yeux confiants d’un enfant, dans l’esprit éveillé d’un adolescent, dans les traits mûrs d’un homme (cf. CONC. VAT. II, Const. Past. Gaudium et spes, n. 22), jusqu’à apparaître aux siens, après sa résurrection, dans son corps glorieux. Il nous a ainsi montré un modèle d’humanité sainte que nous pouvons tous imiter, avec la promesse d’une destinée éternelle qui dépasse toutes nos limites et toutes nos capacités.
Dans sa réponse, Pierre saisit ces deux aspects : le don de Dieu et le chemin à parcourir pour se laisser transformer, dimensions indissociables du salut, confiées à l’Église afin qu’elle les annonce pour le bien du genre humain. Confiés à nous, choisis par Lui avant même que nous ayons été formés dans le sein de notre mère (cf. Jr 1, 5), régénérés dans l’eau du Baptême et, au-delà de nos limites et sans aucun mérite de notre part, conduits ici et envoyés d’ici, afin que l’Évangile soit annoncé à toute créature (cf. Mc 16, 15).
Phare qui éclaire les nuits du monde
En particulier, Dieu, en m’appelant par votre vote à succéder au Premier des Apôtres, me confie ce trésor afin que, avec son aide, j’en sois le fidèle administrateur (cf. 1 Co 4, 2) au profit de tout le Corps mystique de l’Église, de sorte qu’elle soit toujours plus la ville placée sur la montagne (cf. Ap 21, 10), l’arche du salut qui navigue sur les flots de l’histoire, phare qui éclaire les nuits du monde. Et cela, non pas tant grâce à la magnificence de ses structures ou à la grandeur de ses constructions – comme les édifices dans lesquels nous nous trouvons –, mais à travers la sainteté de ses membres, de ce « peuple que Dieu s’est acquis pour proclamer les œuvres admirables de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9).
Cependant, en amont de la conversation où Pierre fait sa profession de foi, il y a aussi une autre question : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). Ce n’est pas une question anodine, elle touche en effet à un aspect important de notre ministère : la réalité dans laquelle nous vivons, avec ses limites et ses potentialités, ses questions et ses convictions.
« Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). En pensant à la scène sur laquelle nous réfléchissons, nous pourrions trouver deux réponses possibles à cette question qui dessinent deux attitudes différentes.
Il y a tout d’abord la réponse du monde. Matthieu souligne que la conversation entre Jésus et ses disciples sur son identité se déroule dans la belle ville de Césarée de Philippe, riche en palais luxueux, nichée dans un cadre naturel enchanteur, au pied de l’Hermon, mais aussi siège de cercles de pouvoir cruels et théâtre de trahisons et d’infidélités. Cette image nous parle d’un monde qui considère Jésus comme une personne totalement insignifiante, tout au plus un personnage curieux, qui peut susciter l’émerveillement par sa manière inhabituelle de parler et d’agir. Ainsi, lorsque sa présence deviendra gênante en raison de son exigence d’honnêteté et de moralité, ce « monde » n’hésitera pas à le rejeter et à l’éliminer.
Il y a ensuite une autre réponse possible à la question de Jésus : celle du peuple. Pour lui, le Nazaréen n’est pas un « charlatan » : c’est un homme droit, courageux, qui parle bien et dit des choses justes, comme d’autres grands prophètes de l’histoire d’Israël. C’est pourquoi il le suit, du moins tant qu’il peut le faire sans trop de risques ni d’inconvénients. Mais ce n’est qu’un homme, et donc, au moment du danger, lors de la Passion, il l’abandonne et s’en va, déçu.
La mission est urgente
Ce qui frappe dans ces deux attitudes, c’est leur actualité. Elles incarnent en effet des idées que l’on pourrait facilement retrouver – peut-être exprimées dans un langage différent, mais identiques dans leur substance – dans la bouche de nombreux hommes et femmes de notre temps.
Aujourd’hui encore, nombreux sont les contextes où la foi chrétienne est considérée comme absurde, réservée aux personnes faibles et peu intelligentes ; des contextes où on lui préfère d’autres certitudes, comme la technologie, l’argent, le succès, le pouvoir, le plaisir.
Il s’agit d’environnements où il n’est pas facile de témoigner et d’annoncer l’Évangile, et où ceux qui croient sont ridiculisés, persécutés, méprisés ou, au mieux, tolérés et pris en pitié. Et pourtant, c’est précisément pour cette raison que la mission est urgente en ces lieux, car le manque de foi entraîne souvent des drames tels que la perte du sens de la vie, l’oubli de la miséricorde, la violation de la dignité de la personne sous ses formes les plus dramatiques, la crise de la famille et tant d’autres blessures dont notre société souffre considérablement.
Aujourd’hui encore, il existe des contextes où Jésus, bien qu’apprécié en tant qu’homme, est réduit à une sorte de leader charismatique ou de super-homme, et cela non seulement chez les non-croyants, mais aussi chez nombre de baptisés qui finissent ainsi par vivre, à ce niveau, dans un athéisme de fait.
Témoigner de la foi joyeuse en Jésus
Tel est le monde qui nous est confié, dans lequel, comme nous l’a enseigné à maintes reprises le pape François, nous sommes appelés à témoigner de la foi joyeuse en Jésus Sauveur. C’est pourquoi, pour nous aussi, il est essentiel de répéter : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16).
Il est essentiel de le faire avant tout dans notre relation personnelle avec Lui, dans l’engagement d’un chemin quotidien de conversion. Mais aussi, en tant qu’Église, en vivant ensemble notre appartenance au Seigneur et en apportant à tous la Bonne Nouvelle (cf. CONC. VAT. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1).
Je le dis tout d’abord pour moi-même, en tant que Successeur de Pierre, alors que je commence ma mission d’Évêque de l’Église qui est à Rome, appelée à présider dans la charité l’Église universelle, selon la célèbre expression de saint Ignace d’Antioche (cf. Lettre aux Romains, Prologue). Conduit enchaîné vers cette ville, lieu de son sacrifice imminent, il écrivait aux chrétiens qui s’y trouvaient : « Alors je serai vraiment disciple de Jésus-Christ, quand le monde ne verra plus mon corps » (Lettre aux Romains 4, 1). Il faisait référence au fait d’être dévoré par les bêtes sauvages dans le cirque – et c’est ce qui arriva –, mais ses paroles renvoient de manière plus générale à un engagement inconditionnel pour quiconque exerce un ministère d’autorité dans l’Église : disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu’Il soit connu et glorifié (cf. Jn 3, 30), se dépenser jusqu’au bout pour que personne ne manque l’occasion de Le connaître et de L’aimer.
Que Dieu m’accorde cette grâce, aujourd’hui et toujours, avec l’aide de la très tendre intercession de Marie, Mère de l’Église.
Homélie de la messe d’inauguration du pape Léon XIV
Chers frères Cardinaux,
Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
distinguées autorités et membres du Corps diplomatique,
Salutations aux pèlerins venus pour le Jubilé des Confréries !
frères et sœurs,
C’est avec un cœur plein de gratitude que je vous salue tous au début du ministère qui m’a été confié. Saint Augustin écrivait : « Tu nous avez faits pour Toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi » (Les Confessions, 1.1.1).
Ces derniers jours, nous avons vécu un moment particulièrement intense. La mort du pape François a rempli nos cœurs de tristesse et, dans ces heures difficiles, nous nous sommes sentis comme ces foules dont l’Évangile dit qu’elles étaient « comme des brebis sans berger » (cf. Mt 9, 36). Le jour de Pâques, cependant, nous avons reçu sa dernière bénédiction et, à la lumière de la résurrection, nous avons affronté ce moment dans la certitude que le Seigneur n’abandonne jamais son peuple, qu’il le rassemble lorsqu’il est dispersé et qu’il le « garde comme un berger son troupeau » (Jr 31, 10).
Dans cet esprit de foi, le Collège des cardinaux s’est réuni pour le Conclave ; issus d’histoires et de parcours différents, nous avons remis entre les mains de Dieu le désir d’élire le nouveau successeur de Pierre, l’Évêque de Rome, un pasteur capable de garder le riche héritage de la foi chrétienne et, en même temps, de jeter son regard au loin pour répondre aux questions, aux inquiétudes et aux défis d’aujourd’hui. Accompagnés par votre prière, nous avons senti l’action de l’Esprit Saint qui a su accorder les différents instruments de musique en faisant vibrer les cordes de nos cœurs en une mélodie unique.
J’ai été choisi sans aucun mérite et, avec crainte et tremblements, je viens à vous comme un frère qui veut se faire le serviteur de votre foi et de votre joie, en marchant avec vous sur le chemin de l’amour de Dieu, qui veut que nous soyons tous unis en une seule famille.
Amour et Unité : ce sont les deux dimensions de la mission confiée à Pierre par Jésus.
C’est ce que nous raconte le passage de l’Évangile qui nous conduit au lac de Tibériade, là même où Jésus avait commencé la mission reçue du Père : “pêcher” l’humanité pour la sauver des eaux du mal et de la mort. En passant sur la rive de ce lac, il avait appelé Pierre et les autres premiers disciples à être comme Lui « pêcheurs d’hommes » et désormais, après la résurrection, c’est à eux de poursuivre cette mission, de jeter le filet encore et encore pour plonger dans les eaux du monde l’espérance de l’Évangile, de naviguer sur la mer de la vie pour que tous puissent se retrouver dans l’étreinte de Dieu.
Comment Pierre peut-il s’acquitter de cette tâche ? L’Évangile nous dit que cela n’est possible que parce qu’il a expérimenté dans sa propre vie l’amour infini et inconditionnel de Dieu, y compris à l’heure de l’échec et du reniement. C’est pourquoi, lorsque Jésus s’adresse à Pierre, l’Évangile utilise le verbe grec agapao, qui se réfère à l’amour que Dieu a pour nous, à son offrande sans réserve et sans calcul, différent de celui utilisé pour la réponse de Pierre, qui décrit plutôt l’amour de l’amitié, que nous avons entre nous.
Lorsque Jésus demande à Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (Jn 21, 16), il fait donc référence à l’amour du Père. C’est comme si Jésus lui disait : ce n’est que si tu as connu et expérimenté cet amour de Dieu, qui ne manque jamais, que tu pourras paître mes agneaux ; ce n’est que dans l’amour de Dieu le Père que tu pourras aimer tes frères un « encore plus », c’est-à-dire en offrant ta vie pour tes frères.
À Pierre est donc confiée la tâche « d’aimer davantage » et de donner sa vie pour le troupeau. Le ministère de Pierre est précisément marqué par cet amour oblatif, car l’Église de Rome préside à la charité et sa véritable autorité est la charité du Christ. Il ne s’agit jamais d’emprisonner les autres par la domination, la propagande religieuse ou les moyens du pouvoir, mais il s’agit toujours et uniquement l’aimer comme Jésus l’a fait.
Lui – affirme l’apôtre Pierre lui-même – « est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle » (Ac 4, 11). Et si la pierre est le Christ, Pierre doit paître le troupeau sans jamais céder à la tentation d’être un meneur solitaire ou un chef placé au-dessus des autres, se faisant maître des personnes qui lui sont confiées (cf. 1 P 5, 3). Au contraire, il lui est demandé de servir la foi de ses frères, en marchant avec eux : en effet, nous sommes tous constitués « pierres vivantes » (1 P 2, 5), appelés par notre baptême à construire l’édifice de Dieu dans la communion fraternelle, dans l’harmonie de l’Esprit, dans la coexistence des diversités. Comme l’affirme saint Augustin : « L’Église est constituée de tous ceux qui sont en accord avec leurs frères et qui aiment leur prochain » (Discours 359, 9).
Cela frères et sœurs, je voudrais que ce soit notre premier grand désir : une Église unie, signe d’unité et de communion, qui devienne ferment pour un monde réconcilié .
À notre époque, nous voyons encore trop de discorde, trop de blessures causées par la haine, la violence, les préjugés, la peur de l’autre, par un paradigme économique qui exploite les ressources de la Terre et marginalise les plus pauvres. Et nous voulons être, au cœur de cette pâte, un petit levain d’unité, de communion, de fraternité. Nous voulons dire au monde, avec humilité et joie : regardez le Christ ! Approchez-vous de Lui ! Accueillez sa Parole qui illumine et console ! Écoutez sa proposition d’amour pour devenir son unique famille : dans l’unique Christ, nous sommes un. Et c’est la route à parcourir ensemble, entre nous, mais aussi avec les Églises chrétiennes sœurs, avec ceux qui suivent d’autres chemins religieux, avec ceux qui cultivent l’inquiétude de la recherche de Dieu, avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, pour construire un monde nouveau où règne la paix !
Tel est l’esprit missionnaire qui doit nous animer, sans nous enfermer dans notre petit groupe ni nous sentir supérieurs au monde ; nous sommes appelés à offrir à tous l’amour de Dieu, afin que se réalise cette unité qui n’efface pas les différences, mais valorise l’histoire personnelle de chacun et la culture sociale et religieuse de chaque peuple.
Frères et sœurs, c’est l’heure de l’amour ! La charité de Dieu qui fait de nous des frères est au cœur de l’Évangile et, avec mon prédécesseur Léon XIII, aujourd’hui, nous pouvons nous demander si on ne verrait pas « l’apaisement se faire à bref délai, si ces enseignements pouvaient prévaloir dans les sociétés ? » (Lett enc. Rerum Novarum, n. 21)
Avec la lumière et la force du Saint Esprit, construisons une Église fondée sur l’amour de Dieu et signe d’unité, une Église missionnaire, qui ouvre les bras au monde, annonce la Parole, se laisse interpeller par l’histoire et devient un levain d’unité pour l’humanité.
Ensemble, comme un seul peuple, comme des frères tous, marchons vers Dieu et aimons-nous les uns les autres.
Publié le 15 mai 2025
LEON XIV

Habemus papam !
Les fidèles catholiques varois se réjouissent de cette grande nouvelle, car oui, après un conclave de 24 heures, nous avons un pape.
Je suis heureux de l’élection de mon frère Robert-François comme successeur de saint Pierre et je lui adresse mes chaleureuses félicitations et l’assurance de mon soutien et de ma prière. Cela me touche car je l’ai rencontré à plusieurs reprises pour préparer ma nomination à Fréjus-Toulon, et depuis mon arrivée dans le Var pour faire le point avec lui, toujours en parlant anglais.
Apôtre de l’évangile et artisan de paix, il aura, comme ses prédécesseurs Jean-Paul II, Benoit XVI et bien sûr François, à relever les défis de ce monde, de la cause des plus fragiles à la poursuite de la nouvelle évangélisation, de l’unité de l’Église au maintien du dialogue inter-religieux.
Dans les pas de l’apôtre saint Pierre et à la suite du Christ, Bon Pasteur, il conduira notre Église pour les années à venir, diffusant les messages universels de Foi, d’Amour et de Justice, et mobilisant tous ses membres pour participer à sa mission.
C’est dans la confiance et l’espérance de cette année sainte qui voit l’élection du pape Léon XIV que je prie pour Sa Sainteté et pour son pontificat.
+ Mgr François TOUVET
Le cardinal américain Robert Prevost, 69 ans, a été élu pape ce jeudi 8 mai 2025 à 18 h 08. Ce religieux augustin a longtemps été missionnaire au Pérou avant d’être appelé à Rome par François, en 2023, comme préfet du dicastère pour les évêques. En le choisissant, les cardinaux confirment le choix d’une Église ouverte, multiculturelle et missionnaire.
Américain de naissance, Robert Prevost est issu d’un père d’origine franco-italienne et d’une mère d’origine espagnole, qui a passé une bonne partie de sa vie comme missionnaire au Pérou avant d’être supérieur de son ordre religieux à Rome. Voilà, en quelques mots, le parcours, exemplaire de l’Église multiculturelle chère au pape François, de celui que les cardinaux réunis en conclave ont élu le 267e pape.
Arrivé depuis seulement deux ans à Rome, cardinal depuis septembre 2023, il ne figurait pas dans les favoris des vaticanistes. Le cardinal Prevost cultive en effet la discrétion et, ces derniers jours, pour éviter les journalistes alpaguant à la grille du Saint-Office les cardinaux se rendant aux congrégations générales, il prenait une anonyme petite voiture pour faire les quelques centaines de mètres reliant la curie des augustins, où il vit, à la salle du Synode.
Participant à la plupart des nominations épiscopales dans le monde depuis qu’il a pris la tête du dicastère pour les évêques en avril 2023, ce polyglotte – outre l’anglais, Robert Prevost parle le français, l’italien, l’espagnol et le portugais et lit le latin ainsi que l’allemand – est pourtant un de ceux qui, à la Curie, portent sur l’Église catholique un des regards les plus larges et universels, fruit d’une expérience pastorale riche et diverse.
Missionnaire au Pérou
Né à Chicago (nord des États-Unis) en 1955, entré en 1977 dans l’ordre de saint Augustin, Robert Francis Prevost a étudié les mathématiques et la philosophie à l’université Villanova, près de Philadelphie (est), puis la théologie à la Catholic Theological Union de Chicago et enfin le droit canonique à l’Angelicum à Rome.
Ordonné prêtre en 1982, à Rome, par l’archevêque belge Jean Jadot, ancien nonce aux États-Unis et figure progressiste de la Curie sous Paul VI et Jean-Paul II, il est envoyé dès 1985 au Pérou, comme missionnaire dans la prélature de Chulucanas (Nord-Ouest), confiée aux augustins dans les contreforts des Andes. Il y achèvera en 1986 son doctorat de droit canonique, avec une thèse sur le rôle du prieur local dans son ordre.
De retour en 1988 à Chicago, comme responsable des vocations et des missions de la province augustine du Midwest, le père Prevost repart l’année suivante au Pérou, cette fois à Trujillo, la grande ville du nord du pays, où, pendant près de dix ans, il s’occupe de la formation des religieux. Élu provincial du Midwest en 1999, il ne reste que deux ans et demi en poste, avant d’être élu en 2001 prieur général de l’ordre de saint Augustin.
Évêque dans une Église péruvienne divisée
De ces douze années romaines (il sera réélu en 2007 après vingt minutes d’élection, la plus rapide de l’histoire de l’ordre), il dit avoir beaucoup appris de ses rencontres. « Des personnes différentes peuvent grandement améliorer notre vie, racontait-il en 2023 dans un entretien sur le site de son ordre. Le fait d’avoir une communauté riche construite sur la capacité de partager avec les autres ce qui nous arrive, d’être ouvert aux autres a été l’un des plus grands cadeaux que j’ai reçus dans cette vie. »
De retour en 2013 à Chicago, il n’y reste qu’une année, vite renvoyé au Pérou comme administrateur apostolique, puis évêque de Chiclayo, un autre diocèse andin, proche de Chulucanas. Divisée entre des tendances très opposées, l’Église péruvienne traverse alors une période délicate, et Rome préfère alors nommer un évêque étranger.
Vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne en 2018, Mgr Prevost sera aux premières loges du scandale Sodalicio, un puissant mouvement ultra-conservateur accusé de nombreux abus. Il continuera à suivre l’affaire après sa nomination à Rome, et jusqu’à la dissolution de Sodalicio par François, en janvier dernier, une des dernières décisions du défunt pape. Il participera ainsi au renvoi de Mgr José Antonio Eguren, son ancien archevêque métropolitain de Piura, membre de Sodalicio et reconnu coupable de complicité dans le scandale.
Abus sexuels : « Il a agi plus que la moyenne des évêques latino-américains »
Cette attitude lui vaudra la tenace rancune du mouvement, dont un des membres l’accusera d’avoir couvert des abus dans son diocèse de Chiclayo, alors que la procédure avait été classée, faute de preuves, tant par la justice péruvienne que par la Congrégation pour la doctrine de la foi à qui il avait transmis les dossiers. « Ils l’ont persécuté en représailles », assure Paola Ugaz, la journaliste à l’origine de l’enquête sur Sodalicio, selon qui Mgr Prevost fut l’un des rares évêques péruviens à soutenir les victimes.
« Il a agi, et certainement plus que la moyenne des évêques latino-américains », affirme pour sa part dans l’hebdomadaire américain Our Sunday Visitor le sociologue mexicain Rodolfo Soriano-Nuñez, spécialiste des violences sexuelles dans le clergé en Amérique latine, décrivant la prévention mise en place dans le diocèse de Chiclayo.
« C’est un homme de foi, prudent, doté d’un grand amour pour l’Église et d’un profond sens des responsabilités dans le discernement des candidats à l’épiscopat et soucieux d’approfondir les situations problématiques qui pourraient constituer un empêchement à une nomination », confie sœur Yvonne Reungoat, ancienne supérieure générale des Salésiennes de Don Bosco et une des trois premières femmes nommées membre du dicastère pour les évêques par François.
« Très à l’écoute »
Pour autant, le nouveau pape se garde de trop focaliser le message de l’Église sur la morale et la doctrine. « Nous sommes souvent préoccupés par l’enseignement de la doctrine, la manière de vivre notre foi, mais nous risquons d’oublier que notre première mission est d’enseigner ce que signifie connaître Jésus-Christ et de témoigner de notre proximité avec le Seigneur, confiait-il en 2023 à Vatican News. La première chose à faire est de communiquer la beauté de la foi, la beauté et la joie de connaître Jésus. »
« Il faut arrêter de se cacher derrière une idée de l’autorité qui n’a plus de sens aujourd’hui », réclamait aussi Mgr Prevost, soucieux de « passer d’une expérience où l’autorité parle et tout est fait, à une expérience ecclésiale qui valorise les charismes, les dons et les ministères présents dans l’Église ».
« C’est un homme serein, très à l’écoute et respectueux de la parole des membres du dicastère », abonde sœur Yvonne Reungoat. « Qui sait affronter les problèmes de façon pragmatique », ajoute une autre personne qui a travaillé avec lui.
Méfiant envers toute prise de position idéologique
Méfiant vis-à-vis de toute prise de position idéologique dans l’Église, le cardinal Prevost s’est attaché, au cours de ces deux années à Rome, à éviter les coteries, entretenant de bonnes relations tant dans les milieux progressistes que conservateurs. Il sera ainsi de ceux qui auront apaisé les relations entre la Curie et l’Église d’Allemagne à propos de son Chemin synodal.
« Les divisions et les polémiques dans l’Église ne servent à rien », assurait à Vatican News celui qui, en digne fils de saint Augustin, insistait sur l’unité de l’Église. « Un véritable défi, surtout lorsque la polarisation est devenue le mode de fonctionnement d’une société qui, au lieu de rechercher l’unité comme principe fondamental, va plutôt d’un extrême à l’autre », développait-il aux augustins, refusant de « confondre l’unité avec l’uniformité », tout autant que la diversité avec le fait de « vivre sans critères ni ordre ».
« Il s’agit là de positions idéologiques, soulignait celui qui a désormais la charge de l’unité de l’Église. Lorsqu’une idéologie devient le maître de ma vie, je ne peux plus dialoguer ou m’engager avec une autre personne parce que j’ai déjà décidé de la façon dont les choses se passeront. Cela rend évidemment très difficile le fait d’être Église, d’être communauté, d’être frères et sœurs. »
Repères
Robert Prevost en dix dates
14 septembre 1955. Naissance à Chicago (Illinois).
- Entré au noviciat des Augustins, chez qui il prononce ses vœux solennels le 29 août 1981.
19 juin 1982. Ordonné prêtre par Mgr Jean Jadot, pro-président du secrétariat pour les non-croyants.
1985-1986 et 1989-1998. Missionnaire au Pérou.
- Provincial du Midwest.
2001-2013. Prieur général de l’ordre de saint Augustin.
- Administrateur apostolique puis évêque de Chiclayo (Pérou).
- Vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne.
- Préfet du dicastère pour les évêques et créé cardinal en septembre.
- Il est élu pape et prend le nom de Léon XIV
Léon XIV : découvrez le texte intégral du premier discours du pape.
La paix soit avec vous tous !
Frères et sœurs bien-aimés, ceci est le premier salut du Christ ressuscité, le bon pasteur qui a donné sa vie pour le troupeau de Dieu. Moi aussi, je voudrais que ce salut de paix pénètre votre cœur, qu’il rejoigne vos familles, toutes les personnes, où qu’elles soient, tous les peuples, toute la terre. La paix soit avec vous !
C’est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée et désarmante, humble et persévérante. Elle vient de Dieu, Dieu qui nous aime tous inconditionnellement. Nous avons encore en tête cette voix faible mais toujours courageuse du pape François qui bénissait Rome !
Le pape qui bénissait Rome bénissait le monde entier, ce matin du jour de Pâques. Permettez-moi de prolonger cette bénédiction : Dieu nous aime, Dieu vous aime tous, et le mal ne triomphera pas ! Nous sommes tous dans les mains de Dieu. Alors, sans peur, unis main dans la main avec Dieu et entre nous, avançons. Nous sommes des disciples du Christ. Le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L’humanité a besoin de Lui, comme d’un pont pour être rejointe par Dieu et son amour.
« Merci au pape François ! »
Aidez-nous, aidez-vous les uns les autres à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant pour être un seul peuple toujours en paix. Merci au pape François !
Je veux aussi remercier tous les frères cardinaux qui m’ont choisi comme successeur de Pierre, pour marcher avec vous, en Église unie, cherchant toujours la paix, la justice, en travaillant toujours comme hommes et femmes fidèles à Jésus-Christ, sans peur, pour proclamer l’Évangile, pour être missionnaires.
Je suis un fils de saint Augustin, un augustin, qui disait : « Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque. » C’est dans ce sens que nous pouvons tous marcher ensemble vers cette patrie que Dieu nous a préparée.
Un salut spécial à l’Église de Rome ! Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire, une Église qui construit des ponts, qui dialogue, toujours ouverte à accueillir, comme cette place aux bras ouverts. Tous, tous ceux qui ont besoin de notre charité, de notre présence, du dialogue et de l’amour.
« Prions pour la paix dans le monde »
(En espagnol) Et si vous me le permettez, un mot, un salut à tous, et en particulier à mon cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque, a partagé sa foi et a tant donné, tant donné pour continuer à être une Église fidèle de Jésus-Christ.
(En italien) À vous tous, frères et sœurs de Rome, d’Italie, et du monde entier, nous voulons être une Église synodale, une Église en chemin, une Église qui cherche toujours la paix, la charité, qui veut toujours être proche, surtout de ceux qui souffrent.
Aujourd’hui est le jour de la Supplication à la Vierge de Pompéi. Notre Mère Marie veut toujours marcher avec nous, rester proche, nous aider par son intercession et son amour.
Alors, je voudrais prier avec vous. Prions ensemble pour cette nouvelle mission, pour toute l’Église, pour la paix dans le monde, et demandons cette grâce particulière à Marie, notre Mère.
Je vous salue Marie…
« La mission est urgente » : le texte complet de la première homélie du pape Léon XIV.
Léon XIV a présidé une messe avec les cardinaux dans la chapelle Sixtine, vendredi 9 mai 2025, au lendemain de son élection comme nouveau pape. Découvrez la première homélie du 267e pape de l’Église catholique.
Je commence avec un mot en anglais, et le reste en italien. Mais je veux répéter les paroles tirées du psaume : « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles. » Et en effet, pas seulement avec moi, mais avec chacun de nous, mes frères cardinaux. Alors que nous célébrons ce matin, je vous invite à reconnaître les merveilles que le Seigneur a faites, la bénédiction que le Seigneur continue à répandre sur nous tous. Au ministère de Pierre, vous m’avez appelé à porter cette croix et à être béni dans cette mission. Et je sais que je peux compter sur vous pour marcher avec moi en continuant, en Église, comme communauté d’amis de Jésus, comme croyants, pour annoncer la Bonne Nouvelle, pour annoncer l’Évangile.
Pour dire : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Par ces paroles, Pierre, interrogé avec les autres disciples par le Maître sur la foi qu’il a en Lui, exprime en synthèse le patrimoine que l’Église, à travers la succession apostolique, garde, approfondit et transmet depuis deux mille ans. Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, c’est-à-dire l’unique Sauveur et le révélateur du visage du Père.
En Lui, Dieu, pour se faire proche et accessible aux hommes, s’est révélé à nous dans les yeux confiants d’un enfant, dans l’esprit éveillé d’un adolescent, dans les traits mûrs d’un homme (cf. CONC. VAT. II, Const. Past. Gaudium et spes, n. 22), jusqu’à apparaître aux siens, après sa résurrection, dans son corps glorieux. Il nous a ainsi montré un modèle d’humanité sainte que nous pouvons tous imiter, avec la promesse d’une destinée éternelle qui dépasse toutes nos limites et toutes nos capacités.
Dans sa réponse, Pierre saisit ces deux aspects : le don de Dieu et le chemin à parcourir pour se laisser transformer, dimensions indissociables du salut, confiées à l’Église afin qu’elle les annonce pour le bien du genre humain. Confiés à nous, choisis par Lui avant même que nous ayons été formés dans le sein de notre mère (cf. Jr 1, 5), régénérés dans l’eau du Baptême et, au-delà de nos limites et sans aucun mérite de notre part, conduits ici et envoyés d’ici, afin que l’Évangile soit annoncé à toute créature (cf. Mc 16, 15).
Phare qui éclaire les nuits du monde
En particulier, Dieu, en m’appelant par votre vote à succéder au Premier des Apôtres, me confie ce trésor afin que, avec son aide, j’en sois le fidèle administrateur (cf. 1 Co 4, 2) au profit de tout le Corps mystique de l’Église, de sorte qu’elle soit toujours plus la ville placée sur la montagne (cf. Ap 21, 10), l’arche du salut qui navigue sur les flots de l’histoire, phare qui éclaire les nuits du monde. Et cela, non pas tant grâce à la magnificence de ses structures ou à la grandeur de ses constructions – comme les édifices dans lesquels nous nous trouvons –, mais à travers la sainteté de ses membres, de ce « peuple que Dieu s’est acquis pour proclamer les œuvres admirables de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9).
Cependant, en amont de la conversation où Pierre fait sa profession de foi, il y a aussi une autre question : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). Ce n’est pas une question anodine, elle touche en effet à un aspect important de notre ministère : la réalité dans laquelle nous vivons, avec ses limites et ses potentialités, ses questions et ses convictions.
« Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). En pensant à la scène sur laquelle nous réfléchissons, nous pourrions trouver deux réponses possibles à cette question qui dessinent deux attitudes différentes.
Il y a tout d’abord la réponse du monde. Matthieu souligne que la conversation entre Jésus et ses disciples sur son identité se déroule dans la belle ville de Césarée de Philippe, riche en palais luxueux, nichée dans un cadre naturel enchanteur, au pied de l’Hermon, mais aussi siège de cercles de pouvoir cruels et théâtre de trahisons et d’infidélités. Cette image nous parle d’un monde qui considère Jésus comme une personne totalement insignifiante, tout au plus un personnage curieux, qui peut susciter l’émerveillement par sa manière inhabituelle de parler et d’agir. Ainsi, lorsque sa présence deviendra gênante en raison de son exigence d’honnêteté et de moralité, ce « monde » n’hésitera pas à le rejeter et à l’éliminer.
Il y a ensuite une autre réponse possible à la question de Jésus : celle du peuple. Pour lui, le Nazaréen n’est pas un « charlatan » : c’est un homme droit, courageux, qui parle bien et dit des choses justes, comme d’autres grands prophètes de l’histoire d’Israël. C’est pourquoi il le suit, du moins tant qu’il peut le faire sans trop de risques ni d’inconvénients. Mais ce n’est qu’un homme, et donc, au moment du danger, lors de la Passion, il l’abandonne et s’en va, déçu.
La mission est urgente
Ce qui frappe dans ces deux attitudes, c’est leur actualité. Elles incarnent en effet des idées que l’on pourrait facilement retrouver – peut-être exprimées dans un langage différent, mais identiques dans leur substance – dans la bouche de nombreux hommes et femmes de notre temps.
Aujourd’hui encore, nombreux sont les contextes où la foi chrétienne est considérée comme absurde, réservée aux personnes faibles et peu intelligentes ; des contextes où on lui préfère d’autres certitudes, comme la technologie, l’argent, le succès, le pouvoir, le plaisir.
Il s’agit d’environnements où il n’est pas facile de témoigner et d’annoncer l’Évangile, et où ceux qui croient sont ridiculisés, persécutés, méprisés ou, au mieux, tolérés et pris en pitié. Et pourtant, c’est précisément pour cette raison que la mission est urgente en ces lieux, car le manque de foi entraîne souvent des drames tels que la perte du sens de la vie, l’oubli de la miséricorde, la violation de la dignité de la personne sous ses formes les plus dramatiques, la crise de la famille et tant d’autres blessures dont notre société souffre considérablement.
Aujourd’hui encore, il existe des contextes où Jésus, bien qu’apprécié en tant qu’homme, est réduit à une sorte de leader charismatique ou de super-homme, et cela non seulement chez les non-croyants, mais aussi chez nombre de baptisés qui finissent ainsi par vivre, à ce niveau, dans un athéisme de fait.
Témoigner de la foi joyeuse en Jésus
Tel est le monde qui nous est confié, dans lequel, comme nous l’a enseigné à maintes reprises le pape François, nous sommes appelés à témoigner de la foi joyeuse en Jésus Sauveur. C’est pourquoi, pour nous aussi, il est essentiel de répéter : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16).
Il est essentiel de le faire avant tout dans notre relation personnelle avec Lui, dans l’engagement d’un chemin quotidien de conversion. Mais aussi, en tant qu’Église, en vivant ensemble notre appartenance au Seigneur et en apportant à tous la Bonne Nouvelle (cf. CONC. VAT. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1).
Je le dis tout d’abord pour moi-même, en tant que Successeur de Pierre, alors que je commence ma mission d’Évêque de l’Église qui est à Rome, appelée à présider dans la charité l’Église universelle, selon la célèbre expression de saint Ignace d’Antioche (cf. Lettre aux Romains, Prologue). Conduit enchaîné vers cette ville, lieu de son sacrifice imminent, il écrivait aux chrétiens qui s’y trouvaient : « Alors je serai vraiment disciple de Jésus-Christ, quand le monde ne verra plus mon corps » (Lettre aux Romains 4, 1). Il faisait référence au fait d’être dévoré par les bêtes sauvages dans le cirque – et c’est ce qui arriva –, mais ses paroles renvoient de manière plus générale à un engagement inconditionnel pour quiconque exerce un ministère d’autorité dans l’Église : disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu’Il soit connu et glorifié (cf. Jn 3, 30), se dépenser jusqu’au bout pour que personne ne manque l’occasion de Le connaître et de L’aimer.
Que Dieu m’accorde cette grâce, aujourd’hui et toujours, avec l’aide de la très tendre intercession de Marie, Mère de l’Église.
Homélie de la messe d’inauguration du pape Léon XIV
Chers frères Cardinaux,
Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
distinguées autorités et membres du Corps diplomatique,
Salutations aux pèlerins venus pour le Jubilé des Confréries !
frères et sœurs,
C’est avec un cœur plein de gratitude que je vous salue tous au début du ministère qui m’a été confié. Saint Augustin écrivait : « Tu nous avez faits pour Toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi » (Les Confessions, 1.1.1).
Ces derniers jours, nous avons vécu un moment particulièrement intense. La mort du pape François a rempli nos cœurs de tristesse et, dans ces heures difficiles, nous nous sommes sentis comme ces foules dont l’Évangile dit qu’elles étaient « comme des brebis sans berger » (cf. Mt 9, 36). Le jour de Pâques, cependant, nous avons reçu sa dernière bénédiction et, à la lumière de la résurrection, nous avons affronté ce moment dans la certitude que le Seigneur n’abandonne jamais son peuple, qu’il le rassemble lorsqu’il est dispersé et qu’il le « garde comme un berger son troupeau » (Jr 31, 10).
Dans cet esprit de foi, le Collège des cardinaux s’est réuni pour le Conclave ; issus d’histoires et de parcours différents, nous avons remis entre les mains de Dieu le désir d’élire le nouveau successeur de Pierre, l’Évêque de Rome, un pasteur capable de garder le riche héritage de la foi chrétienne et, en même temps, de jeter son regard au loin pour répondre aux questions, aux inquiétudes et aux défis d’aujourd’hui. Accompagnés par votre prière, nous avons senti l’action de l’Esprit Saint qui a su accorder les différents instruments de musique en faisant vibrer les cordes de nos cœurs en une mélodie unique.
J’ai été choisi sans aucun mérite et, avec crainte et tremblements, je viens à vous comme un frère qui veut se faire le serviteur de votre foi et de votre joie, en marchant avec vous sur le chemin de l’amour de Dieu, qui veut que nous soyons tous unis en une seule famille.
Amour et Unité : ce sont les deux dimensions de la mission confiée à Pierre par Jésus.
C’est ce que nous raconte le passage de l’Évangile qui nous conduit au lac de Tibériade, là même où Jésus avait commencé la mission reçue du Père : “pêcher” l’humanité pour la sauver des eaux du mal et de la mort. En passant sur la rive de ce lac, il avait appelé Pierre et les autres premiers disciples à être comme Lui « pêcheurs d’hommes » et désormais, après la résurrection, c’est à eux de poursuivre cette mission, de jeter le filet encore et encore pour plonger dans les eaux du monde l’espérance de l’Évangile, de naviguer sur la mer de la vie pour que tous puissent se retrouver dans l’étreinte de Dieu.
Comment Pierre peut-il s’acquitter de cette tâche ? L’Évangile nous dit que cela n’est possible que parce qu’il a expérimenté dans sa propre vie l’amour infini et inconditionnel de Dieu, y compris à l’heure de l’échec et du reniement. C’est pourquoi, lorsque Jésus s’adresse à Pierre, l’Évangile utilise le verbe grec agapao, qui se réfère à l’amour que Dieu a pour nous, à son offrande sans réserve et sans calcul, différent de celui utilisé pour la réponse de Pierre, qui décrit plutôt l’amour de l’amitié, que nous avons entre nous.
Lorsque Jésus demande à Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (Jn 21, 16), il fait donc référence à l’amour du Père. C’est comme si Jésus lui disait : ce n’est que si tu as connu et expérimenté cet amour de Dieu, qui ne manque jamais, que tu pourras paître mes agneaux ; ce n’est que dans l’amour de Dieu le Père que tu pourras aimer tes frères un « encore plus », c’est-à-dire en offrant ta vie pour tes frères.
À Pierre est donc confiée la tâche « d’aimer davantage » et de donner sa vie pour le troupeau. Le ministère de Pierre est précisément marqué par cet amour oblatif, car l’Église de Rome préside à la charité et sa véritable autorité est la charité du Christ. Il ne s’agit jamais d’emprisonner les autres par la domination, la propagande religieuse ou les moyens du pouvoir, mais il s’agit toujours et uniquement l’aimer comme Jésus l’a fait.
Lui – affirme l’apôtre Pierre lui-même – « est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle » (Ac 4, 11). Et si la pierre est le Christ, Pierre doit paître le troupeau sans jamais céder à la tentation d’être un meneur solitaire ou un chef placé au-dessus des autres, se faisant maître des personnes qui lui sont confiées (cf. 1 P 5, 3). Au contraire, il lui est demandé de servir la foi de ses frères, en marchant avec eux : en effet, nous sommes tous constitués « pierres vivantes » (1 P 2, 5), appelés par notre baptême à construire l’édifice de Dieu dans la communion fraternelle, dans l’harmonie de l’Esprit, dans la coexistence des diversités. Comme l’affirme saint Augustin : « L’Église est constituée de tous ceux qui sont en accord avec leurs frères et qui aiment leur prochain » (Discours 359, 9).
Cela frères et sœurs, je voudrais que ce soit notre premier grand désir : une Église unie, signe d’unité et de communion, qui devienne ferment pour un monde réconcilié .
À notre époque, nous voyons encore trop de discorde, trop de blessures causées par la haine, la violence, les préjugés, la peur de l’autre, par un paradigme économique qui exploite les ressources de la Terre et marginalise les plus pauvres. Et nous voulons être, au cœur de cette pâte, un petit levain d’unité, de communion, de fraternité. Nous voulons dire au monde, avec humilité et joie : regardez le Christ ! Approchez-vous de Lui ! Accueillez sa Parole qui illumine et console ! Écoutez sa proposition d’amour pour devenir son unique famille : dans l’unique Christ, nous sommes un. Et c’est la route à parcourir ensemble, entre nous, mais aussi avec les Églises chrétiennes sœurs, avec ceux qui suivent d’autres chemins religieux, avec ceux qui cultivent l’inquiétude de la recherche de Dieu, avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, pour construire un monde nouveau où règne la paix !
Tel est l’esprit missionnaire qui doit nous animer, sans nous enfermer dans notre petit groupe ni nous sentir supérieurs au monde ; nous sommes appelés à offrir à tous l’amour de Dieu, afin que se réalise cette unité qui n’efface pas les différences, mais valorise l’histoire personnelle de chacun et la culture sociale et religieuse de chaque peuple.
Frères et sœurs, c’est l’heure de l’amour ! La charité de Dieu qui fait de nous des frères est au cœur de l’Évangile et, avec mon prédécesseur Léon XIII, aujourd’hui, nous pouvons nous demander si on ne verrait pas « l’apaisement se faire à bref délai, si ces enseignements pouvaient prévaloir dans les sociétés ? » (Lett enc. Rerum Novarum, n. 21)
Avec la lumière et la force du Saint Esprit, construisons une Église fondée sur l’amour de Dieu et signe d’unité, une Église missionnaire, qui ouvre les bras au monde, annonce la Parole, se laisse interpeller par l’histoire et devient un levain d’unité pour l’humanité.
Ensemble, comme un seul peuple, comme des frères tous, marchons vers Dieu et aimons-nous les uns les autres.
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Publié le 15 mai 2025