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La presqu’île de Giens

La vie de la paroisse de Giens - La Capte est intimement liée à la vie de la presqu'île. Ce lien particulier, ancré dans l'Histoire, est cher à tous les arbanais.

Si la presqu’île de Giens m’était contée…

 
Île ou partie d’un continent, selon les aléas climatiques, la presqu’île de Giens, avec son double Tombolo qui constitue une curiosité géologique, n’existe que depuis l’An Mille environ. Mais la présence humaine dans la région est attestée bien avant cette date comme en témoigne la découverte fortuite dans les fonds sableux de l’Almanarre, d’un vase néolithique datant d’environ quatre mille ans avant notre ère. D’autres traces d’implantations préhistoriques ont été retrouvées au Sud, à la pointe des Terres rouges, et au Nord, face à l’île de la Redonne, près du port de la Madrague.

 

Plus près de nous, au VI° siècle av. J.-C., les Grecs, à l’étroit dans leurs cités, ont essaimé autour de la Méditerranée, « comme des grenouilles au bord d’un lac » (aux dires de Platon) fondant de multiples comptoirs le long de la côte, dont Olbia, comptoir mineur certes, à l’emplacement de l’actuel Almanarre. Ce site, à l’entrée d’un long couloir que dessinent les îles d’Hyères, avec son anse abritée des vents du large, servait surtout de refuge en cas d’attaque des Liguriens. De cette occupation, outre le site d’Olbia, il reste des vestiges d’habitats hellénistiques, des épaves trouvées au large de la Tour Fondue et le sanctuaire d’Aristée, sur les terres de la Badine. Il fut découvert par un enfant de sept ans qui jouait dans le secteur, Olivier Meyer, devenu depuis archéologue. Aristée était un Dieu mineur fils d’Apollon et de la nymphe Cyrène, malheureux gardien des abeilles, associé à l’activité pastorale et à l’agriculture. Est-ce à lui que l’on doit l’apiculture introduite sur la presqu’île, ainsi que l’implantation de la vigne et de l’olivier ? Les Romains investirent Olbia, construisant à l’intérieur des anciennes fortifications grecques. De là, ils implantèrent dans les terres alentour des « villas » agricoles, comme en témoignent, près de la Tour Fondue, des morceaux de poterie et dans la rade de Giens l’épave d’un voilier du premier siècle av. J.-C., chargé de 7000 amphores contenant chacune 26 litres de vin. Puis pour des raisons mystérieuses, Olbia est abandonnée.

 

Commence alors une histoire chaotique où s’entremêlent installation d’ermites, de religieuses bénédictines et cisterciennes, et invasions sarrasines. Les Sarrazins qui ont pillé et saccagé la Provence occidentale sont chassés en 972. Les Seigneurs de Fos prennent alors possession de la presqu’île. En 1284, Charles II, comte de Provence, céda à son médecin Raymond Ortolan les terres de Giens. La presqu’île fut alors administrée par les familles Pontévès, Glandevez, Glandevez-Giens, jusqu’au dernier des Pontévès-Elzéard, qui mourut sans descendance. La presqu’île fut encadastrée et vendue. En 1839, elle est acquise par monsieur Sieverking, syndic de la ville de Hambourg et revendue, par sa veuve à un riche prêtre, le curé de Beauregard, qui construisit l’église actuelle, en partie avec ses propres deniers et fit de Giens une paroisse à part entière, alors que Giens dépendait jusque là de Costebelle. Le curé de Beauregard donna une partie de ses terres aux journaliers qui travaillaient pour lui et vendit le reste à un banquier de Cannes, monsieur Le Goff, qui les donna à son régisseur, monsieur Remonencq, dont une rue de Giens porte le nom. De 1940 au 12 Novembre1943 où elle fut évacuée, la presqu’île connut les tribulations de la guerre et celles de sa Libération (1944).

 

Puis peu à peu, elle s’installe dans la modernité. Les résidences secondaires phagocytent l’habitat traditionnel — maisons basses aux toits couverts de tuiles romaines et construites avec des pierres extraites de la mer — et grignotent les zones sauvages et cultivées. Elle élimine lentement mais sûrement la culture provençale traditionnelle dont les manifestations folkloriques ne sont plus que réminiscences nostalgiques, mais encore prisées des touristes. Cette contrée baignée de soleil et de mer en séduisit d’illustres, qui laissèrent leurs traces. Toute une lignée de poètes et de romanciers, et non des moindres ont fortifié dans la presqu’île leur élan créateur. Citons : Jules Michelet, Frédéric Mistral, Paul Bourget, Joseph Conrad avec « Frère-de-la-côte », sans oublier Saint-John Perse, qui vécut dans la maison des Vigneaux de 1957 jusqu’à sa mort en 1975 et qui est enterré dans le cimetière de Giens.

 

Des industriels ont aussi apprécié la presqu’île : ainsi Louis Renault qui fit construire pour ses employés le lotissement qui porte son nom, près du port du Niel, et Panhard dont l’un des six administrateurs, le chevalier de Kniff acquiert une maison près de la Madrague. Une avenue qui conduit jusqu’à la Madrague porte son nom. On ne peut terminer sans citer monsieur Sabran, directeur des « hospices civils de Lyon » qui réussit à soigner des enfants tuberculeux dans la presqu’île. Construit au bord de mer, au milieu de six hectares de pins, inauguré en 1892 l’hôpital Renée Sabran porte le nom de sa fille.

 

Et si la presqu’île se contait, elle raconterait plus encore : par exemple pourquoi ses habitants se nomment « arbanais », dont l’origine est controversée ; ou encore ses démêlés parfois houleux avec le continent — Hyères en l’occurrence ; et, à l’abri de ses sentiers ombreux et bavards, la crainte que son âme ne s’égare sous des amas de béton et le consumérisme aussi bruyant qu’insignifiant de la modernité.

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